"La nécessité, en tant qu'absolument autre que le bien, est le bien lui-même" (Simone Weil). Un théologien protestant a dit dans le même sens que "la foi est la participation à la faiblesse de Dieu dans le monde". C'est-à-dire le consentemente intérieur à un ordre où la miséricorde et la puissance n'ont aucun lien apparent entre elles. Cette pensée contredit l'éternel rêve de l'homme: cellui d'une puissance surnaturelle qui, non seulement aurait pitié de nous, mais dont la miséricorde se traduirait par des grâces, des favaeurs, voire des miracles sur le plan temporel. Le rêve d'une providence qui desserrerait pour nous l'étau de la nécessité en faisant pleuvoir dans nos mains ou dans nos âmes---c'est-à-dire au niveau de l'evénement extérieur ou intérieur---des bienfaits étrangers à l'inexorable enchaînement des effets et des causes ou sans proportion avec nos efforts pour modifier cet enchaînement.
De ce rêve, procède une infinité de prières: celle du paysan dont la récolte sèche sur pied et qui demand la pluie, celle du malade incurable qui se débat contre la mort, celle du vieillard après la ferveur d la jeunesse évanouie, celle de l'élève qui n'a pas préparé son examen et qui implore une illumination analogue au don des langues.
Contrairement au texte célèbre des Psaumes qui dénonce l'impuissance des idoles, c'est à cette confusion de la puissance et de la grâce qu'on reconnaît, à tous les degrés et sous n'importe quel nom, la présence de l'idolâtrie. ---Seigneur, ayez pitié de moi! cela signifie presque toujours: Seigneur, séparez-moi de mon destin, épargnez-moi d'être brisé par cette nécessité que vous avez crée et à laquelle vous vous êtes soumis sous les oliviers et sur la croix, faites avorter en moi la contradiction qui est la semence de Dieu dans l'homme, déchirez avant terme ce voile d'apparences qui ne doit s'ouvrir qu'à la mort, faites que le vrai me devienne vérifiable, sinon dans l'événement extérieur, du moins à la surface de la vie intérieure, dans mes sentiments, mes états d'âme: donnez à mon âme une nouvelle teinture, mais gardez-vous bien de la tuer pour qu'elle renaisse, car je ne veux pas changer d'âme, je ne veux pax d'un coeur nouveau, je veux un coer repeint, remis à neuf du dehors, tout luisant de vernis divin. Ce qui revient à dire: que votre puissance me protège contre l'appel dévorant de votre pureté; soyez pour moi l'apparence qui sauve et non la réalite qui tue.
Pour que la miséricorde soit pure, il faut qu'elle soit sans puissance et, apparemment, sans effet. J'entends sans effet sur la nécessité pour être reçue, dans sa plénitude sans limite, par la liberté. Sans effect sur la mort pour préparer la résurrection. Sinon les rapports entre l'âme et Dieu restent sur le plan de l'avoir: ce sont des rapports entre le puissant et le faible, entre le maître et l'esclave. Car Dieu est plus faible que nous en ce monde, et sa miséricorde est celle d'un être qui ne peut rien donner, comme le mot l'indique, que son coeur. C'est à lui que s'applique par excellence le mot de Nietzsche: "Je ne fais pas l'aumône, je ne suis pas assez pauvre pour cela".
On peut même interpréter dans se sens la distinction classique entre la justice et miséricorde de Dieu. Dieu est juste en tant qu'il à délégué sa puissance à inexorable nécessité: dans ce domaine, pas de faveurs, pas de passedroit; la gratuité est absent: l'effet, impitoyablement, suit la cause et chacun recuille jusqu'au bout le fruit de ses actes. "Vous ne sortirez pas d'ici que vous n'ayez payé la dernière obole..."
Mais Dieu est infiniment miséricordieux en tant qu'amour, dans son essence solitaire, hors de la création et de ses lois: "Je ne donne pas comme le monde donne." La justice est la loi de la création, la miséricorde est la loi de l'incréé. Deux lois absolumnet étrangères et irréductibles l'une à l'autre---et qui, cependant, s'identifient dans la mesure où on accepte, par respect et par amour de la seconde, d'obéir sans resriction à la première, car alors nécessité et liberté, temps et éternité, vie et mort ne s'opposent plus: "Tout est fruit pour moi de ce qu'apportent tes sainsons, ô nature!" Mais il faut subir jusqu'au bout la justice de Dieu pour rencontrer sa miséricorde.
Fonte: "L'ignorance étoilée" - Fayard
De ce rêve, procède une infinité de prières: celle du paysan dont la récolte sèche sur pied et qui demand la pluie, celle du malade incurable qui se débat contre la mort, celle du vieillard après la ferveur d la jeunesse évanouie, celle de l'élève qui n'a pas préparé son examen et qui implore une illumination analogue au don des langues.
Contrairement au texte célèbre des Psaumes qui dénonce l'impuissance des idoles, c'est à cette confusion de la puissance et de la grâce qu'on reconnaît, à tous les degrés et sous n'importe quel nom, la présence de l'idolâtrie. ---Seigneur, ayez pitié de moi! cela signifie presque toujours: Seigneur, séparez-moi de mon destin, épargnez-moi d'être brisé par cette nécessité que vous avez crée et à laquelle vous vous êtes soumis sous les oliviers et sur la croix, faites avorter en moi la contradiction qui est la semence de Dieu dans l'homme, déchirez avant terme ce voile d'apparences qui ne doit s'ouvrir qu'à la mort, faites que le vrai me devienne vérifiable, sinon dans l'événement extérieur, du moins à la surface de la vie intérieure, dans mes sentiments, mes états d'âme: donnez à mon âme une nouvelle teinture, mais gardez-vous bien de la tuer pour qu'elle renaisse, car je ne veux pas changer d'âme, je ne veux pax d'un coeur nouveau, je veux un coer repeint, remis à neuf du dehors, tout luisant de vernis divin. Ce qui revient à dire: que votre puissance me protège contre l'appel dévorant de votre pureté; soyez pour moi l'apparence qui sauve et non la réalite qui tue.
Pour que la miséricorde soit pure, il faut qu'elle soit sans puissance et, apparemment, sans effet. J'entends sans effet sur la nécessité pour être reçue, dans sa plénitude sans limite, par la liberté. Sans effect sur la mort pour préparer la résurrection. Sinon les rapports entre l'âme et Dieu restent sur le plan de l'avoir: ce sont des rapports entre le puissant et le faible, entre le maître et l'esclave. Car Dieu est plus faible que nous en ce monde, et sa miséricorde est celle d'un être qui ne peut rien donner, comme le mot l'indique, que son coeur. C'est à lui que s'applique par excellence le mot de Nietzsche: "Je ne fais pas l'aumône, je ne suis pas assez pauvre pour cela".
On peut même interpréter dans se sens la distinction classique entre la justice et miséricorde de Dieu. Dieu est juste en tant qu'il à délégué sa puissance à inexorable nécessité: dans ce domaine, pas de faveurs, pas de passedroit; la gratuité est absent: l'effet, impitoyablement, suit la cause et chacun recuille jusqu'au bout le fruit de ses actes. "Vous ne sortirez pas d'ici que vous n'ayez payé la dernière obole..."
Mais Dieu est infiniment miséricordieux en tant qu'amour, dans son essence solitaire, hors de la création et de ses lois: "Je ne donne pas comme le monde donne." La justice est la loi de la création, la miséricorde est la loi de l'incréé. Deux lois absolumnet étrangères et irréductibles l'une à l'autre---et qui, cependant, s'identifient dans la mesure où on accepte, par respect et par amour de la seconde, d'obéir sans resriction à la première, car alors nécessité et liberté, temps et éternité, vie et mort ne s'opposent plus: "Tout est fruit pour moi de ce qu'apportent tes sainsons, ô nature!" Mais il faut subir jusqu'au bout la justice de Dieu pour rencontrer sa miséricorde.
Fonte: "L'ignorance étoilée" - Fayard