segunda-feira, 3 de dezembro de 2012

"L'amour et l'occident"

Ce livre1 peut choquer --- j'avoue personnellement qu'il froisse mon sens catholique de l'unité et de l'harmonie --- mais il est impossible qu'il ne touche pas. Une pensée ardente et créatrice s'y déploie; les idées sont neuves, la langue est neuve; l'erudition (qui ne laisse pas d'être considérable) est si bien amalgamée à la vivante originalité des thèses qu'elle perd toute pesanteur; tout cela se lit avec intéret et se relit avec passion. Que M. de Rougemont voie toujours juste, je ne me chargerai pas de l'établir: ce qui est certain, c'est qu'il voit toujours loin et profond, et il advient souvent que l'esprit, entraîné par sa dialectique, a besoin de se raidir contre cette séduction qui émane de toute profondeur, même si cette profondeur est erronée.

M. de Rougemont s'attache à creuser la notion occidentale de l'amour des sexes, de cet amour "idéal" hanté d'absolu et éternellement insatisfait. Il en trouve l'essence dans le mythe médiéval de Tristan et d'Iseult, dont il donne une interprétation aussi nouvelle qu'étincelante. Selon lui, cette forme courtoise et chevaleresque de la passion, née au moyen âge, cet amour qui liait le chevalier à sa dame, procède historiquement de l'hérésie manichéenne des Albigeois: il est d'origine essentiellement religieuse; loin d'être, comme on le croit communément, une sublimation de l'amour sensible, il représente une dégradation de l'amour spirituel, une déviation de l'élan mystique. La sexualité ne joue ici qu'un rôle extérieur et matériel, elle est un prétexte, un vêtement; l'âme de cet amour, c'est le retrait de l'inspiration religieuse sur elle-même, l'isolement narcissique du désir et, par conséquent, que les amants le sachent ou qu'ils l'ignorent, la négation de tout amour et de toute vie authentiques (la sexualité y comprise!) et ce culte secret de la mort qui réside au fond de toute mystique invertie. D'où ce caractère tragique de la passion, les obstacles qu'elle rencontre, la "pureté" inhumainde qu'elle exige et le trépas qui la couronne. "Une seule réponse est ici digne du mythe; Tristan et Iseult ne s'aiment pas, ils l'ont dit et tout le confirme... Tristan aime à se sentir aimé bien plus qu'il n'aime Iseult la blonde. Et Iseult ne fait rien pour retenir Tristan près d'elle, il lui suffit de son rêve passionné. Ils ont besoin l'un de l'autre pour brûler, mais non de l'autre tel qu'il est; et non de la présence de l'autre, mais bien plutôt de son absence! La séparation des amants résulte ainsi de leur passion même... D'où les obstacles multipliés par le roman; d'où l'indifférence étonnante de ces complices d'un même rêve au sein duquel chacun reste seul; d'où le crescendo romanesque et la mortelle apothéose... L'amour de l'amour dissimule une passion beaucoup plus terrible, une volonté profondément inavouable: sans le savoir, les amants, malgré eux, n'ont jamais désiré que la mort!" Condamnés, comme tous les idolâtres, à boire leur propre soif, Tristan et Iseult se heurtent à l'impossible et font de l'amour une route de soufrances qui débouche sur la mort. Mais ce qui les torture ainsi, ce n'est pas l'autre, ce n'est pas l'amour de l'autre, c'est leur moi aimant qui, replié sur lui-même, tente vainement de boucler la boucle divine.

Parti du moyen âge, l'auteur étudie, avec cette espèce de pénétration magnétique qui est l'âme de son talent, les multiples dégradations du mythe de Tristan et d'Iseult dans la littérature et les moeurs. Qu'il s'agisse de Don Juan (cette antithèse manichéenne de Tristan), de Werther, de René ou d'Adolphe, ou de ces Tristan diminués qui courent d'une Iseult à l'autre et dont "l'amour", fruit d'une double impuissance, n'est qu'un mélange de rêverie sentimentale et de boue charnelle, tous ces hommes communient, sous des espèces diverses, au même irréalisme et à la même folie; on constate chez tous la même opposition entre ce qu'ils appellent l'amour et les nécessités biologiques et morales de la nature humaine: l'amour pour eux est ce qui tue, ce qui brûle à grand feu les grandes âmes, à petit feu, voire à feu doux, les petites. Et le mariage, dans la mesure où il tient compte des nécessités de la vie animale et sociale, devient logiquement le tombeau de l'amour.

M. de Rougemont conclut par une analyse constructive. Face au problème de l'antinomie entre l'amour et le mariage, quelle est la voie de salut? Dans la réforme de l'amour. Il faut que la passion romanesque (qui n'est qu'une forme déguisée de l'adoration de soi) s'efface devant l'affection pour l'autre et la fidélité créatrice envers une personne étrangère aimée telle qu'elle est et choisie librement, arbitrairement entre toutes, au-dessus de toutes les promesses et de toutes les menaces du destin. "Choisir une femme pour en faire son épouse, ce n'est pas dire à Mlle Untel: "Vous êtes l'idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous êtes l'Iseult toute belle et désirable dont je veux être le Tristan". Car ce sera là mentir et l'on ne peut rien fonder qui dure sur le mensonge... Choisir une femme pour en faire son épouse, c'est dire à Mlle Untel: "Je veux vivre avec vous telle que vous êtes... et voilà la seule preuve que je vous aime" ". Ce choix s'opère, suivant le mot de Kierkegaard, "par la vertu de l'absurde": c'est un saut définitif dans l'inconnu, une sorte de geste créateur qui se déploie sna connaître ses vrais causes, son vrai sens et sa vraie fin. "La fidélité est sans raisons---ou elle n'est pas--- comme tout ce qui porte une chance de grandeur"...

1. Denis de Rougemont, L'Amour et l'Occident, Plon, collection "Présences".

* * *

On pourrait quereller longuement M. de Rougemont sur ce qu'il dit, et sur ce qu'il ne dit pas: une pensée aussi riche que la sienne est grosse de discussions infinies. Je me bornerai à effleurer deux points: le mythe de "l'amour courtois" et le fondement de la fidélité conjugale.

Le problème de l'amour idéalisé me paraît beaucoup plus complexe dans ses données et sa solution que la thèse de M. de Rougemont ne la laisse pressentir. J'ai peine à croire que cet amour soit formellement une hérésie religieuse; j'y vois plutôt une tentative, infiniment fragile et menacée, de divinisation de l'amour humain. dans tous les domaines, le romantisme est un pas qu'il faut franchir pour parvenir à la pleine possession de la réalité spirituelle: l'illusion est au seil de toutes les grandes choses. ---Narcissisme? Soit. mais quel amour ici-bas, y compris l'amour divin--- les mystiques le disent assez" --- ne commence pas au narcissisme? Inadaptation au réel et culte de la mort? Il est clair --- et c'est en ceci que la position de M. de Rougemont est forte --- que cet élan dirigé vers la rálité éternelle e la personne, mais en même temps si imparfait, si offusqué par les vapeurs de la chair et du moi, verse fatalement, s'il manque son but, dans le culte de la mort --- ou de la boue. Il n'y a pas de fausses grandeurs, il n'y a que des grandeurs avortées. Le rêve est dépassé dans la Divine Comédie (cette Béatrice irréelle dont les yeux ne renvoyaient d'abord au poète que sa propre image, devient le miroir humain en qui la divinité se reflète); il ne l'est pas dans le Roman de Tristan et d'Iseult. L'hérésie que dénonce l'auteur n'est pas dans l'amour romanesque en soi; elle est dans l'amour romanesque qui refuse de mûrir.

Une atmosphère de grandeur inhumaine entoure, chez M. de Rougemont, le drame (car c'en est un) de la fidélité des époux. Déçu par l'absurdité de la passion, l'auteur se retourne tout d'une pièce vers l'absurdité du vouloir: le seul fondement le l'amour réside pour lui dans une crispation héroïque de la volonté créatrice. Je vois là un "personnalisme" qui me semble empiéter un peu sur les droits de la personne divine: le monde --- y compris l'amour des sexes --- me semble beaucoup plus créé, beaucoup plus achevé que l'accent général du livre nous le ferait croire! J'y vois aussi un irrationalisme périlleux. M. de Rougemont reste captif de l'affectivisme absolu du romantisme: il se borne à revêtir cet affectivisme d'austérité et de grandeur. Mais je ne crois pas à la vertu de l'absurde, même quand l'absurde se marie à l'héroïsme! Ce cri: "Je t'aimerai toujours!" ne peut avoir pour caution dernière que la conscience d'un amour appréhendé en nous comme éternel, comme inhérent à l'essence même de notre âme; il n'engage l'avenir que dans la mesure où il dépasse le temps: je sais que je t'aimerai toujours comme je sais que je serai toujours moi-même. La fidélité des amants s'appuie sur cette perception intérieure d'un sentiment éternel en qui l'éternelle volonté de Dieu se traduit plutôt que sur un décret arbitrairemente éternel de notre propre volonté. Elle se réfère à cette évidence: Dieu nous a créés tels que nous devons nous aimer toujours, et non à cette résolution: notre volonté créera notre amour! M. de Rougemont pousse sa réaction contre le romantisme jusqu'à... un nouveau romantisme! Au subjectivisme de l'imagination qu'il dénonce avec tant d'éclat, il substitue un subjectivisme de la volonté. L'époux qui est fidèle "sans raisons" n'est fidèle qu'à lui-même, et cela --- je fais appel à tous ceux qui aiment --- cela n'est pas de l'amour! L'amour vrai, sentiment d'une communios immortelle, présence vécue le l'autre en nous, englobe et dépasse l'amour-passion et l'amour-volonté: il a besoin, certes, de l'un et de l'autre (une partie de son charme et de son élan sort de la passion et la volonté le protège contre la fragilité de l'eternel m^lé au temps), mais l'un et l'autre, dès qu'on veut en faire le tout de l'amour, se ramènent à deux formes opposées de l'amour de soi.

L'auteur dénonce comme étranger à l'amour l'amo amare des amants courtois; son volo amare, pour être plus près de la grandeur, n'en reste pas moins loin de l'amour: le cercle du moi n'est pas franchi. On conçoit très bien, aux antipodes du Tristan romantique, le suicide actif d'un Tristan "personnaliste" rivé, en vertu de son élection arbitraire et de sa foi en l'absurde, auprès d'une Iseult aussi fermée et aussi lointaine que la reine aux cheveux d'or du mythe médiéval. Qui pourrait nier --- et M. de Rougemont a montré cela avec une inégalable grandeur --- que l'élan aride de la volonté et la confiance en l'absurde (en un absurde apparent derrière lequel se dissimule une raison supérieure) ne soit nécessaire, aux heures de crise, pour assurer la fidélité et purifier l'amour? Mais ce rôle du vouloir ne peut être que secondaire et accidental; il tient à la misérable condition de l'homme et non à la nature de l'amour. La fidélité, dans son essence, ne repose pas sur un acte gratuit de la volonté, mais sur la conscience et l'attrait de l'éternel.

Temps présent (21 juillet 1939)


Fonte: "Gustave Thibon" - Les Dossiers H - Ed. L'Age d'Homme - 2012

sábado, 1 de dezembro de 2012

La misère et l'amour

Je relisais dernièrement l'essai de Péguy sur le Jean Coste d'Antonin Lavergne. J'y retrouvais, comme partout ailleurs chez Péguy, ce sérieux profond qui situe spontanément sa pensée au coeur éternel des problèmes. L'essai sur Jean Coste date, je crois, des environs de 1900. Péguy, qui ne devait accéder à la foi explicite que plus tard, Péguy encore imbu de tous les mythes de l'époque mais pressentant dejà la vérité centrale que ces mythes exploitaient en la déformant, retrouve, en vertu le la seule densité intérieure de sa pensée, la racine humaine et divine des questions qui le tourmentent. Le langage de ce militant socialiste est déjà théologique et presque théologal: tout ce que l'âme humaine a de "naturellement chrétien" s'exprime ici dans sa force. Il est en effect un degré de réalisme et de profondeur à partir duquel l'homme rejoint fatalement la vérité chrétienne. Dès que l'incroyante est assez pur dans sa pensée et dans son coeur, c'est Dieu qu'il étreint sans connaître encore son nom...

Dans l'essai sur Jean Coste, Péguy distingue, avec une pénétration qui atteint d'emblée le noeud vital du débat, entre le problème de la misère et le problème de l'égalité. Le sentiment de fraternité qui nous incline à la pitié envers les déshérités, n'a pas de commune mesure avec la fièvre d'égalité qu'alimente l'envie à l'égard des privilégiés: "Autant il est passionnant, inquiétant de savoir qu'il a encore des hommes dans la misère, autant il m'est égal de savoir si, hors de la misère, les hommes ont des morceaux plus ou moins grans de fortune". L'amour des pauvres est de tous les temps, de tous les lieux, de tous les peuples, de toutes les formes de civilisation, il faut partie du patrimoine essentiel de l'humanité: celui qui, en face des misérables, ne sent pas son coeur se déchirer et s'ouvrir n'est pas pleinement un homme. L'égalitarisme au contraire ne fleurit qu'aux époques d'anarchie et de décadence: il n'est qu'une excroissance accidentalle et souvent impure sur le visage éternel de la charité.

La confusion a existé cependant, et Péguy l'a jugée assez dangereuse pour croire devoir la dénoncer. C'est un des spectacles plus affligeants du monde moderne que la prostitution des sentiments éternels de l'humanité aux jeux mutilants de la plus basse des politiques: celle des partis. Depuis 1789, l'amour des pauvres fut mis sans vergogne au service de la révolte et d l'utopie égalitaires; il devint une espèce de monopole, d'exclusivité des partis de gauche. Quant aux partis dits de droite, ils favorisèrent trop souvent cette usurpation, soit par leur inertie, soit par leur ignorance des exigences de la justice et de l'amout. Comme si la fraternité commençait en 1789! Sans parler des morales antiques et païennes, est-ce que l'enseignement du Christ était de droite ou de gauche? Et peut-on mettre une étiquette politique sur saint Vicent de Paul dont le spetacle de la misère humaine ravageait le coeur ou sur Bossuet rappelant aux grands l'éminente dignité des pauvres dans l'Église? En réalité --- on a honte d'insister sur cette évidence --- l'amour des pauvres n'est ni de droite ni de gauche; il est de partout, il est du ciel qui domine, éclaire et féconde les quatre coins de l'univers.

L'amour des pauvres vient du ciel, et il décline dans le coeur des hommes à mesure que ceux-ci s'éloignent du ciel. A-t-il jamais été plus bas qu'aujourd'hui? Plus la misère grandit, plus la pitié décroit: la plupart des hommes n'ont d'yeux et de coeur que pour eux-mêmes. Dans une époque où l'absourdité de l'égoïsme éclate avec une évidence solaire, il est encore des Français, il est encore des chrétiens qui songent à se sauver seuls. Grâce à leur fortune ou à leurs moyens d'échange, ils échappent à la disette générale, et ils ne songent pas un instant devant leur table bien garnie ou leur armoire aux réserves qu'ils se repaissent de la faim des autres. Ils ressemblent à un passager qui, encore au sec dans sa cabine du pont supérieur, ne s'inquiétarait pas de l'eau qui emplit les cales... Si l'on ne savait que le premier effet de l'égoïsme est de rendre l'homme insensible à son propre intérêt, on serait tenté de leur crier: par pitié pour vous-mêmes, songez aux autres!

Ces privilégiés sont rares, peut-on répondre, et nous sommes tous plus ou moins misérables. Raison de plus pour se pencher sur les autres et pour partager les maigres biens que la Providence nous envoie. En provençal, on appelle "aumône fleurie" l'aumône qu'un pauvre fait à un autre pauvre. Ne laissons pas s'écouler les sombres heures présentes sans cultiver cette fleur de charité.

Je songe surtout à ceux qui, sans prendre conscience de leurs devoirs personnels, attendent mollement d'être sauvés par les autres. Se doutent-ils qu'il existe, à la portée de leur coeur et de leurs mains, des malheureux qui attendent d'être sauvés par eux? Tant qu'un seul Français souffrira de la faim par notre faute, ne cherchons pas trop à l'étranger les causes de notre malheur et les raisons de notre espérance. Le gage le plus certain de notre salut est notre communion intérieure, notre amour vivant et agissant du prochain. Et peut-être est-ce là le signe que Dieu attend pour nous accorder notre délivrance extérieure. Car ceux-là seuls méritent de vivre qui vivent au-delà d'eux-mêmes...

Demain (23 août 1942)

Fonte: "Gustave Thibon" - Les Dossiers H - L'Age d'Homme - 2012

terça-feira, 27 de novembro de 2012

Inflación y devaluación de la responsabilidad

He atravesado París recientemente. Las paredes estaban cubiertas de carteles multicolores denunciando los horrores de la guerra de Vietnam, de la tiranía policial y capitalista de Brasil, etc., e invitando a la población a participar en mítines y en desfiles de protesta. Y sobre algunos de estos carteles se exponía este lema: todos somos responsables.

¿Responsables? Me gustaría mucho que me explicaran el sentido y el alcance que se da a esta palabra. Toda responsabilidad implica una competencia y unos medios de acción. Como padre de familia, me siento responsable de la educación de mis hijos; como escritor, de las consecuencias de mis palavras (a condición de que sean bien interpretadas, lo que no siempre ocurre.); como ciudadano, de la elección del diputado al que he dado mi voto, etc. Pero ¿qué sé y qué puedo hacer en los asuntos del Vietnam o de Brasil? ¿Cómo me sentiré responsable en un campo que no conozco y en que no tengo poder?

Si conocimiento, se me responderá, es la información, esa reina del mundo moderno, quién nos lo proporciona. Lea los periódicos, escuche la radio y estará enterado cada día de todo lo que pasa en el mundo. Y en cuanto al poder, depende de usted el aumentar por su adhesión uno de estos movimientos de opinión cuya irresistible fuerza contribuirá a limitar los estragos de los tiranos y a acelerar su caída.

Confieso mi inmenso escepticismo en estos dos puntos. No niego el poder de nuestros medios de información, esa reina del mundo moderno, quien nos lo pro-formación honesta y objetiva? ¿Acaso en esos carteles que provienen, todos ellos, de partidos políticos cuya frenética parcialidad salta a la vista de cualquiera? Y ¿cómo elegir, dentro de nuestros países aún libres, en los que se agita a la opinión en todos los sentidos, entre unas fuentes de información que no cesan de contradecirse, tanto en la exposición como en la interpretación de los hechos? ¿Qué debo pensar de la intervención norteamericana en el Vietnam? Ultima defensa de la liberdad en Extremo Oriente, me dicen unos. Monstruosa acometida del imperialismo, me dicen otros. ¿Y del régimen de los coroneles en Grecia? dos diplomáticos franceses que conocen bien este país me afirmaron, el primero, que la nación helena había sido entregada, atada de pies y manos, a una banda de gángsteres, y el segundo, que el golpe de Estado militar había sido la única solución posible contra la revolución comunista, la cual habría traído excesos mucho más terribles. ¿Que voy a creer? ¿Tengo derecho a comprometerme así en la oscuridad, contando únicamente con la fe en tal o cual propaganda? O bien, ¿debo abandonar mi deber de estado ---al que ya llego con dificuldad--- para dedicarme a una encuesta personal y profunda sobre lo que pasa en el otro extremo del mundo?

Ya no discuto la influencia que puede ejercer la movilización de la opinión pública contra cualquer abuso de poder. Pero tal movilización no es posible más que en países relativamente libres, y corre el riesgo, al crear una situación revolucionaria, de preparar el advenimiento de un nuevo poder aún más abusivo. Pueden organizarse en Washington manifestaciones contra la política de Nipón, pero no en Moscú contra la política de Kosyguín, y menos aún en Pekín contra la de Mao. Y las dictaduras comunistas, después de haber quebrantado la autoridad de los regímenes liberales, en nombre de la libertad de opinión, se apresuran, desde el momento en que un país cae en su poder, a ahogar esta libertad, de la misma manera que se tira, después de haberlo usado, un instrumento que se ha vuelto inútil. De modo que al comprometerse inconsideradamente en una cruzada contra los excesos del imperialismo moderado, se corre el riesgo de abrir el camino al despotismo absoluto.

No tomo partido: muestro las dificultades del problema. Aún mejor. Estas llamadas delirantes a no sé qué responsabilidad planetaria coinciden con un agotamiento generalizado del sentido de las responsabilidades elementales.

Se va más lejos: es la misma noción de responsabilidad la que se pone en tela de juicio. Frente a todos los problemas planteados por la delincuencia, los conflitos familiares, los divorcios, la infancia inadaptada, etc., un ejército de psicólogos se empeñan en reducir al mínimo la participación de la libertad y de la responsabilidad personales: todo se explica por la herencia, el medio, las pulsiones del inconsciente, etcétera y, en último término, no hay culpables, sino tan sólo víctimas.

Si se lleva hasta su último extremo esta tendencia, desembocamos en la paradoja de que todo el mundo es declarado responsable de lo que no le concierne e irresponsable de lo que le atañe directamente. Lo cual, por otra parte, concuerda muy bien: poner la responsabilidad en todas partes es el medio más seguro de no asumirla en ninguma. La inflación y la devaluación se corresponden: la responsabilidad colectiva dispensa de la responsabilidad individual.

No predico la indiferencia respecto a las grandes cuestiones de la política internacional. Simplemente, digo que es necesario que el problema de la responsabilidad vuelva a ser abordado por su base, antes de que se llegue a sus últimas consecuencias. Y esa base es el ejercicio cotidiano de nuestras responsabilidades inmediatas. Ahí es donde está el primer mal y donde debe aplicarse el primer remedio. Queriendo quemas etapas no se llega a ninguna parte, sino, como muy a menudo ocurre hoy, a hacer florecer responsabilidades imaginarias sobre la tumba de las responsabilidades reales.

Fonte: "El equilibrio y la armonía" - Belacqva - 2005

segunda-feira, 26 de novembro de 2012

¿Hasta dónde somos responsables?

El otro día, al intentar arreglar el desorden crónico de mi biblioteca, descubrí una serie de viejos libros llenos de polvo, de cuya existencia incluso me había olvidado: era un tratado de teología moral, de moda en los seminarios hace más de cien años y que había pertenecido a un tío abuelo mío, cura de una parroquia vecina.

Hojeé al azar uno de los tomos de esta obra, redactada en un latín eclesiástico que se descifra sin enfuerzo, y caí sobre el capítulo consagrado al análisis del pecado llamado acidia, término difícil de traducir y que corresponde más o menos a tristeza arraigada, melancolía, disgusto por la vida.

Este estado del alma se calificaba de pecado por la razón de que el hastío de un bien tan precioso como la existencia constituía un acto de ingratitud y por tanto una ofensa a Dios, que nos ha creado y nos ha puesto en el mundo.

Lo que me chocó en esta lectura fue volver a encontrar en la descripción de los efectos de la acidia la mayoría de los síntomas del padecimiento que hoy se llama depresión nerviosa. Curioso cambio de óptica: a ese hastío de la vida, que se condenaba como pecado, se le trata como enfermedad; lo cual revela que la moral cae bajo la medicina; lo que se acusaba ante el sacerdote, hoy se confia al psiquiatra.

Se observa la misma evolución---o, más bien, la misma revolución--- en terrenos muy diferentes; por ejemplo, en el que concierne a la educación de los niños y a la justicia penal.

Miles de problemas que antes se esolvían por un azote bien dado o por un castigo sin postre hoy necesitan de la intervención detécnicos especializados en psicología, dietética y psicología infantil. Tratar a un niño como a un ser relativamente libre y corregirle desde esa perspectiva es comportarse como un bruto incomprensivo y encaminar a ese pequeño desgraciado hacía los peores retrocesos. Estamos lejos de la época en que el buen rey Enrique IV escribía al preceptor de su hijo, el futuro Luis XIII: "Si ahorráis el látigo, odiáis a mi hijo."

En cuanto a los delincuentes, lejos de considerarlos culpables, se les ve, cada vez más, como víctimas. Víctimas de la herencia, de la mala educación, sobre todo de la sociedad, considerada como la principal, cuando no como la única, responsable de los delitos cometidos en su seno, lo cual, por otra parte, no molesta a nadie, pues ninguno de los miembros de la sociedad se siente particularmente afectado por esta condena.

Cosa rara: en una época en la que tanto se ha proclamado y exaltado las ideas de libertad y de responsabilidad, se ve diolverse la nócion de culpabilidad, noción que, sin embargo, deriva en línea recta de las dos primeras, pues declarar culpable a un hombre e considerarle libre y responsable del mal que ha hecho. En esta perspectiva, todas las faltas y todos los delitos se explican por el mal estado del cuerpo, los tenebrosos remolinos del subconsciente, la opresión y la corrupción que emanan del entorno social: ya no hay culpables, sino inadaptados, rechazados, acomplejados, etc.

No discuto el relativo fundamento de esta reacción. El pensamiento moderno no ha hecho aquí más que desplegar y precisar el dominio de lo que los antiguos filósofos llamaban la causa material, es decir, la dosis de condicionamiento y de determinismo implicados en nuestros actos conscientes y libres. Pues ningún hombre es absolutamente libre y totalmente responsables: todos dependemos, en mayor o menor grado, de nuestro temperamento y de nuestro carácter y le las influencias que ejerce en nosostros la sociedad. Y no añoro incondicionalmente las épocas en que el deprimido era considerado como un enfermo imaginario, el delincuente como un monstro de perversidad consciente, y el niño difícil como merecedor del látigo.

De lo que estoy seguro es de que vamos hacia el exceso contrario. Antes se inflaba demasiado la noción de culpabilidad, hoy se la reduce demasiado. Y el peligro de empequeñecimiento y de corrupción del hombre no es, ciertamente, menor. A fuerza de declarar que los hombres son irresponsables, se acaba por convertirles en irresponsables. sé que hay enfermedades psíquicas, o delincuentes que son víctimas de una fatalidad contra la cual no pueden hacer nada. Pero, a la inversa, ¡cuántos deprimidos exageran sus males reales y se instalan en la enfermedad para escapar a los deberes y a las preocupaciones de una vida normal y para dejarse mimar por su entorno! Y cuántos delincuentes extraen de la "comprensión" y de la indulgencia de los jueces nuevas fuerzas para perseverar en el mal: la estadística de las reincidencias después de la remisión de faltas es muy esclarecedora en este sentido.

Un clima más riguroso favorece más la curación de los enfermos y el castigo de los culpables. Un solo ejemplo: he conocido un cierto número de deprimidos que llevaban años estropeando su propia vida y envenenando la de sus prójimos, a causa de fantasmas surgidos de su imaginación, y cujo estado mejoró extrañamente durante la ocupación alemana. Las inquietudes debidas a la guerra y a las dificultades de avituallamiento habían creado a su alrededor una red de preocupaciones reales que dejaban poco sitio al minucioso mantenimiento de su depresión: ¡ésta se había convertido en un lujo que ya no podían mantener! De la misma manera, la severidad de la ley penal contribuye a mantener al futuro delincuente en el camino. Sin hablar de esos niños incorregibles durante el tiempo en que son mimados por sus padres y a los que una severa disciplina---por ejemplo, la de ciertos colegios--- les basta para rectificar su conducta.

Todo esto hace añorar las viejas filosofías---la de Platón, Aristóteles o Descartes--- que ante todo ponían el acento en las cimas luminosas del ser humano: la conciencia, que nos hace distinguir el bien del mal, y la voluntad, que nos hace escoger entre uno y otro. aun exagerando la parte de la libertad, por lo menos tenían la ventaja de estimularla al máximo. En efecto, el hombre es tanto más libre cuanto más responsable se sienta y como tal es tratado por sus semejantes. El sentimiento de responsabilidad despierta en él energías latentes que le ayadan a dominar el mal bajo todas sus formas. Porque, salvo en el caso de un total agotamiento físico o de una irremediable abyección moral, el alma siempre puede algo más que el cuerpo, la conciencia prevalece sobre el inconsciente, y el individuo sobre las influencias que recibe de su medio social.

Antes se le exigía demasiado al hombre; hoy no se le pide bastante. Ambas actitudes llevan consigo errores y abusos en sus aplicaciones concretas. Pero, en resumen, creo que es la primera la que supone más promesas y menos riesgos. Y el testimonio de la historia nos enseña que son las morales más exigentes---las que apelan a nustras más nobles facultades y las que nos toman como artesanos libres y responsables de nuestro destino--- las que siempre han contribuido más eficazmente a elevar el nivel general de la humanidad.

Fonte: "El equilibrio y la armonía" - Belacqva - 2005

domingo, 25 de novembro de 2012

La erosión de las responsabilidades

No hay nada más trivial ni más verdadero que denunciar el ocaso del sentido de la responsabilidade. Desde lo más alto de la escala social hasta lo más bajo, el mayor deseo de la mayoría de nuestros contemporáneos consiste en seleccionar las ventajas de su situación y en eliminar los riesgos. El viejo reclamo "¡Sobre todo, nada de historias!" toma proporciones de un imperativo categórico. Hasta tal puento que, a propósito de cualquier escándalo cuando un político pronuncia la amenazadora e irrisoria fórmula: "Los responsables, sean los que sean, serán buscados y sancionados", cada uno se encoge de hombros sabiendo muy bien que no se tardará en "ahogar el pescado", es decir, en devolverlo a esas turbias aguas en las que evoluciona con tanta comodidad.

Pero ¿qué es la responsabilidad? El diccionario la define como "el carácter de aquel que puede ser llamado a responder por las consecuencias de sua actos".

¿Qué consecuencias? Es muy importante notar que se empieza a hablar de responsabilidades sólo cuando las cosas van mal. Se es responsable de un fracaso, de un error o de una falta, no de un éxito. Después de un accidente de carretera o del fracaso de una operación---y en la medida en que no se había hecho todo lo que era humanamente posible para evitar estas desgracias---un automovilista o un cirujano son declarados responsables. Ser responsable es, pues, asumir las penosas consecuencias de un acto libre. Lo cual implica, según la naturaleza de ese acto, una serie de sanciones morales y materiales que van desde el puro y simple arrepentimiento hasta la reparación de los daños y la condena penal.

En cuanto a la huida generalizada ante las responsabilidades, encontramos la causa no sólo en la falta de firmeza de la naturaleza humana, siempre inclinada a apartarse de situaciones incómodas, sino también en ciertas condiciones inherentes al mundo moderno.

La etimología de la palavra que proporciona el excelente diccionario de Littré es ya suficientemente esclarecedora. Responsabilidad se deriva de res y de sponsus: esposo, novio. Ser responsable de una cosas es estar unido a esa cosa por lazos análogos a los que unen al esposo y a la esposa. Lo cual lleva inmediatamente consigo la idea de elección, de promesa, de fidelidad, en una palabra, de amor. Más allá de toda obligación de tipo moral y jurídico el hombre se siente responsable espontáneamente de lo que ama. Ejemplo: un hombre que verdaderamente tiene vocación de médico se porta ante su arte como un esposo con su esposa; es entre estos hombres entres los que se observa el sentido más vivo de las responsabilidades profesionales. Las alegrías que les proporciona su oficio les hace aceptar sus cargas.

A ello se añade, en ciertos medios y en ciertas profesiones, el carácter inmediato y personalizado de las sanciones. Un campesino, propietario del suelo que cultiva, no sólo está casado con la tierra, sino que sufre individualmente las repercusiones directas y precisas de sus negligencias y de sus errores. De la misma manera el artesano, el comerciante o los miembros de una empresa a escala humana. Nada mejor para la educación de la responsabilidad. Se ha dicho que la sabiduría consistía en meditar sobre los errores cometidos. Pero también es preciso que las consecuencias de esos errores recaigan directamente sobre su autor.

Planteo ahora la cuestión siguiente: En la sociedad actual, ¿cuántos hombres hay que se sientan ligados a su función como lo están un marido a su mujer o un campesino a su tierra? Es un hecho demostrado por la experiencia que el sentido de la responsabilidad disminuye en función del gigantismo de las empresas: resorte de una máquina en lugar de miembro de un organismo, el individuo no ve bien el lazo entre su trabajo, demasiado frecuentemente impersonal y fragmentario, y los resultados de ese trabajo; así, sus faltas, diluidas y reabsorbidas en ese inmenso complejo anónimo, le parecen sin consecuencias, expresión admirable para designar la insignificancia y, por tanto, la ausencia de responsabilidad. Además, allí donde no reina una disciplina férrea (como ocurre en nuestras sociedades occidentales, donde la concentración va unida al relajamiento) las sanciones son incieretas y lejanas: se limitan, para ciertos organismos del Estado o paraestatales, a un déficit crónico soportado por el conjunto de la nación, de manera que un funcionario negligente llega a mantener su puesto, mientras que en una empresa libre el jefe sería eliminado en breve plazo por la quiebra de ésta.

En resumen, se produce una ruptura (mortal para el sentido de la responsabilidad) entre nuestras acciones---o nuestras omisiones---y sus consecuencias. La corriente expresión: "Eso a mí no me toca", traduce perfectamente la disyunción entre los efectos y las causas. Para ser "tocado" en sentido figurado (emocionado, interesado, "concernido", como se dice hoy), es preciso primero ser tocado en sentido propio, es decir, en un contacto personal e inmediato.

Otros factores, que proceden del clima general de la época, intervienen en el mismo sentido. En particular, el culto a la facilidad y al confort, (¿hay algo menos confortable que hacerse cargo de las propias responsabilidades?), la debilidad de los padres y de los educadores (el niño demasiado mimado al que se le conceden todos sus deseos y al que se le excusan todas las faltas está mal preparado para soportar las consecuencias de sus actos) e igualmente la costumbre de vivir al día en una sociedad cambiante en la que todas las inversiones materiales y morales corren el riesgo de ser destruidas a corto plazo. ¿Para qué tomarse la molestia de adquirir responsabilidades cuando se ignora absolutamente de qué estará hecho el mañana? Repugna tanto más "mojarse" cuando que el tiempo transcurre más deprisa y en una dirección imprevisible. Del mismo modo, tampoco es una de las menores contradicciones de nuestra época la coincidencia entre la religión y el porvenir (la prospectiva se ha convertido en una ciencia de moda) y entre el reino de la imprevisión y de la política "a corto plazo"

Pero por muy incierto que sea el porvenir, aquellos que saben hacerse cargo de las responsabilidades son los que tienen más probabilidades de modelarlo a su imagen. "El hombre es un animal capaz de hacer promesas" decía Nietzsche. Ahora bien, ¿qué es una promesa (para lo mejor y para lo peor, siguiendo la vieja fórmula inglesa), sino un ancla lanzada al futuro, es decir, la prefiguración del mañana a través del compromiso de hoy? El porvenir pertence preferentemente no a quienes lo sueñan en el vacío o lo planifican en abstracto, sino a quienes, manteniendo sus promesas y asumiendo sus responsabilidades, ya imprimen su señal en él.

Fonte: "El equilibrio y la armonía" - Belacqva - 2005

domingo, 21 de outubro de 2012

Méditation et action (III - Final)


Le réflexe prend le pas sur la réflexion et le signal remplace le signe

À une époque où l'homme, délivré des servitudes de la matière, devient l'esclave de ses moyens mêmes de libération et où tour se fait sous le signe de la vitesse, il n'y a rien de plus urgent que de reconquérit un peu de vrait liberté, de ne pas se laisser emporter tout entier par le mouvement --- un mouvement où le réflexe prend le pas sur la réflexion, et où le signal remplace le signe. Comment définir un signe? C'est l'évocation d'une réalité invisible par une réalité visible.. Un serrement de mains, un baiser, ce sont des signes: des gestes qui, en eux-mêmes, n'ont pas tellement d'importance, mais qui prennent une importance infinie dès qu'ils se chargent d'amitié ou d'amour. De même une oeuvre d'art: elle ne vaut que par l'invisible contenu dans le représenté. Et les mots: des paroles creuses s'ils ne renvoient pas à l'inexprimable. Mais pour aller du signe au signifié, il faut rentrer en soi-même, méditer... Tandis que le signal n'appelle que le réflexe, l'automatisme, qui exclut la réflexion, justement. Dans certains cas, il est recommandé d'avoir de bons réflexes plutôt que de réfléchir: par exemple, quand vous conduisez votre voiture, mieux vaut por vous ne pas trop méditer sur ce que vous avez à faire! Mais répondre dans tous les domaines comme un automate à tous les signaux qui nous sont adressés, à toutes les sollicitations qui nous sont faites (et c'est bien le but visé par les publicités de nous ordres), eh bien, cela nous viderait bientôt de toute substance humaine.

Ce vide intérieur, dont le premier symptôme est l'ennui qui dêvore beaucoup de nos contemporains, surtout les jeunes, est peut-être la plus grande menace qui pèse sur l'homme moderne. On nous rabâche sans cesse que nous vivons une "époque passionnante". C'est vrai, mais c'est précisément dans cette époque passionnante que se pose, avec une acuité et une urgente encore inédites dans l'Histoire, le problème de l'ennui et de l'utilisation des loisirs. La vanité et la basse qualité des distractions où se réfugient tant de nos contemporains nous donnent la mesure du vide intérieur creusé par l'absence de méditation. "Ce grand malheur de ne pouvoir demeurer en repos dans sa chambre", disait Pascal. Je sais bien qu'on ne doit pas rester toujours dans sa chambre... Mais il faut savoir y rester de temps en temps, et même assez souvent! Sans un minimum d'activité intérieure, on devient inapte à l'activité extérieure. C'est alors qu'on sombre dans l'ennui et dans l'obsession d'être "désennuyé" à n'importe quel prix (pourvu que ce ne soit pas au prix d'un effort personnel!). À propos d'ennui, on m'a raconté qu'à New York, neuf mois après la fameuse panne d'electricité qui avait duré neuf heures, on avait observé un boom des naissances. On a donc interrogé les gens: "Que voulez-vous, ont-ils réponds, il n'y avait plus de télévision, il n'y a rien d'autre à faire!" C'est un peu curieux tout de même... Ce n'est flatteur pour ces dames... ni pour ces messieurs d'ailleurs! C'est le monde à l'envers: normalement, c'est à la technique de prendre le relais de la nature; par exemple, on allume l'electricité le soit, quand le jour baisse et ne suffit plus à nous éclairer, tandis qu'en cette circonstance on a eu recours à la nature pour suppléer les défaillances de la technique.

Cette anecdote me rappelle, par contraste, un vieux souvenir. J'ai vécu quelque temps, jadis, dans le pays d'Afrique du Nord... Les indigènes peuvent rester immobiles et silencieux indéfiniment... J'en voyais qui attendaient ainsi l'autobus dans une sérénité absolue --- un autobus qui passait toutes les ving-quatre heures! "Ce sont des abrutis!" est le premier mot qui vient à l'esprit des Européens. Mais nous n'avons pas la moindre preuve qu'ils soient des abrutis! Je crois au contraire qu'ils sont beaucoup plus capables que nous de méditer et de communier avec la nature. Je me souviens d'un ami officier qui les connaissait peu: il avait demandé à son ordonnance berbère de lui amener son cheval à huit heures du matin. Puis --- il avait dû modifier ses projets --- il oublia son ordre. Voilà le pauvre. Ali qui l'attend toute la journée. Le soir, mon ami se souvient tout à coup de la consigne et se précipite, tout confus: "Comme tu as dû t'ennuyer", lui dit-il, et Ali de répondre: "Moi, m'ennuyer, capitaine? Mais je n'avis rien à faire!" Savoir ne rien faire, cela suppose parfois beaucoup plus d'esprit, et surtout beaucoup plus d'âme, que ne pas "savoir s'arrêter", comme tant de gens aujourd'hui qui se fuient eux-mêmes ans une activité frénétique.

La clef de la mesure est dans l'absolu.

Résumons-nous. Les valeurs immutables, les étoiles fixes de la destinée ne se dévoilent qu'au regard immobile et intérieur de l'homme qui médite. Seule la médotation nous met en communication avec le monde inaltérable, et nous enseigne la limite en nous révélant l'infini.

Notre siècle oublie trop souvent l'abîme qui sépare les valeurs absolues et invariables (le Vrai, le Beau et le Bien qui sont l'objet de la philosophie, de l'art et de la religion) des valeurs relatives et changeantes que brassent les sciences et les techniques. Les premières se situent au-delà du temps et ne sont pas susceptibles de progrès intrinsèque; les secondes se succèdent et se perfectionnent sans cesse au cours du temps. Il est évident que les valeurs temporelles, qui règlent l'action, doivent s'inspirer des valeurs éternelles, dont la méditation nous ouvre l'accès. Le mot de saint Augustin: "Quid hoc ad aeternitatem"? ("Qu'est-ce que cela qui n'est pas éternel?") s'applique à tout ce qui passe rapport à ce qui demeure. La clef de la mesure est dans l'absolu.

C'est par la méditation que l'homme de demain pourra dominer son siècle et juger avec pertinence les transformations que les progrès techniques et l'évolution des moeurs et des modes feront se succéder sous ses yeux. C'est en elle qu'il trouvera son unique chance d'échapper aux pressions sociales plus contraignantes que jamais à cause de la puissande toujours accrue des moyens de diffusion. La méditation, acte solitaire, vaccine l'individu contre les maladies du troupeaus, contre les épidémies de l'opinion. Savoir dire non quand il le faut et autant qu'il le faut devient l'impératif majeur de l'homme moderne. L'homme de demain aura d'autant plus besoin de méditation qu'il sera davantage voué à l'action: pour faire contrepoids à la l'action d'une part, et pour lui donner un sens d'autre part; pour échapper à la dispersion, à l'emiettement intérieur comme à la centralisation technocratique, pour résister à la règle imposée du dehors à ceux qui ne trouvent pas en eux-mêmes leurs raisons de vivre et d'agir.

La puissance même dont dispose l'homme moderne rend impérieuse l'exigence de vie intérieure. Car cette puissance non assumée par l'esprit, non orientée vers une fin supérieure, ne peut que se retourner contre nous et nous conduire au chaos et à l'esclavage, l'esclavage étant l'organisation artificielle du chaos. Dans un éclair de lucidité, le prodigieux homme d'action que fut Bonaparte fit cet aveu: "Je suis condamné par ma nature à ne remporter que des victoires extérieures." Les victoires extérieures, réduites à elles-mêmes, sont des défaites de l'âme. C'est aussi le mot du Poète: "On est vaincu par sa conquête [Victor Hugo, "L'expiation", Les Châtiments: "On était vaincu par sa conquête".]

Je vous citerai, pour conclure, ce dialogue apocryphe entre Sénèque et Néron --- apocryphe, mais que se rapporte certainement à quelque chose d'authentique, tant on y reconnaît l'esprit de Sénèque: "Mais enfin, est-ce que tu ne sais pas que mon pouvoir égale celui des dieux?" Et Sénèque lui répond: "Plus ton pouvoir se rapproche de celui des dieux, plus tu dois redouter les dieux." Autrement dit, ton être intérieur est d'autant plus menacé que ton pouvoir extérieur est grand.

domingo, 7 de outubro de 2012

Méditation et action (II)


"L'accéélération de l'Histoire"

Daniel Halévy a décrit notre époque comme celle de "l'accéleration de l'Histoire". En fait, il se produit plus de changement dans une décennie actuelle que dans un siècle du passé. Tout se transforme autour de nous à une cadence de plus en plus rapide: les techniques et leurs produits sont sans cesse supplantés par de nouvelles techniques et de nouveaux produits. L'homme d'action, s'il ne veut pas être dépassé et éliminé, doit non seulement savoir s'adpter à un présent toujours changeant, mais aussi préparer sans cesse l'avenir. Cet état de choses a donné naissance à une nouvelle science: la prospective. Je ne reprendrai pas ce qui a été dit ici sur la prospective par mon ami Gilbert Tournier. Mais en effet, plus on va vite, plus il faut prévoir, c'est-á-dire voir ce qui ne se voit pas encore. Il est certain que si l'on conduit un char à boeufs, ce n'est pas la peine de regarder très loin devant soi. Mais si l'on est sur l'autoroute, mieux vaut savoir ce qui se passe et ce qui risque de se passer sur la plus grande distance possible. De même aujourd'hui, si l'on conduit une entreprise... Le développement de bureaux d'études, où travaillent des hommes non engagés dans l'action à courte échénace, répond à cette exigence.

Un autre danger de l'action livrée à elle-même est celui de la stérilité intellectuelle et vitale dont s'accompagnent trop souvent le surmenage et la spécialisation. L'homme engagé dans une activité trépidante et à court terme perde facilement la capacité de réflechir, de situer et de relier les problèmes, de faire des synthèses. Il tend à réfléchir dans son action la passivité et l'automatisme des choses sur lesquelles il agit --- autrement dit, à devenir chose lui-même. Ses facultés d'initiative et de création se trouvent ainsi compromises, y compris dans sa propre spécialité. Car toute et solidaire dans l'homme comme dans la nature, et les divers étages du savoir se soutinnent réciproquement: les grands inventeurs sont des hommes complets. On a fait en Amérique cette curieuse expérience --- qui me paraît intéressante quoique peut-être un peu moins spectaculaire qu'on ne le prétend --- sur des techniciens plus ou moins "stérilisés" par une longue activité dans la même branche. On les a libérés de leur travail pour les placer dans un lieu attrayant et reposant où il n'était plus question de leur tâche professionnelle et où tout leur temps se passait en promenades, en conversations, en lectures, en concerts, en sapectacles, etc. Après quoi, rafraîchis et r´générés par ce bain de nature et de culture, ils seraient redevenus "efficients" dans leur domaine...

Je pense à ce bon évêque de l'ouest de la France, qui est très vieux aujourd'hui. Je dinais chez lui un soir. Nous étions donc à table et nous attnedions le directeur des OEuvres, un homme très pris. Il s'était fait tellement attendre que nous avions commencé le repas sans lui. Il est arrivé entre le potage et le premier plat, complètement survolté: "Messieurs, nous dit-il, vous le savez, le prête est un homme mangé! Et le vieil évêque de lui rópondre en bralant la tête: "Pourvu qu'il soit nourrisant..."

Le vertige de l'action

Naturellement, l'homme a besoin de méditer, non seulement en tant qu'homme d'action, mais en tant qu'homme tout court. Et plus encore peut-être l'homme d'aujourd'hui et de demain, car il risque d'être dénaturé par sa participation au dynamisme dévorant du monde minéral qui, autant que nous pouvons le prévoir, régnera de plus en plus sur notre planète...

On ne parle aujourd'hui que de "dynamisme" et d' "efficacité", comme si ces mots exprimaient toujours une valeur positive, et sans préciser quelle est la nature de la force exercée et de l'effet produit. Ce qu'on demande avant tout aux hommes d'action --- et cela se comprend ---, c'est l'efficacité. Mais il ne faut tout de même pas oublier que l'efficacité, en elle-même, n'est que le fait de tout ce qui produit un effet, n'importe quel effet... Si vous me donnez un coup de poing en pleine figure, l'effet s'inscrira sur ma figure à l'instant même! Si vous éduquez un enfant, l'effet sera beaucoup plus loin, plus incertain, plus subtil... Camus faisait déjà remarquer que l'efficacité du typhon n'est pas du même ordre que celle de la sève... Il y a une hiérarchie des effets, et, en règle générale, plus on descend vers la matière, plus les effets sont rapides et spectaculaires. Il ne s'agit donc pas de rechercher l'efficacité à tout prix, mais de la rechercher au niveau convenable, humain, qui n'est pas forcément celui où elle est le plus immédiatement évidente. Lá encore, la réflexion s'impose...

L'homme en proie au vertige de l'action est toujours tenté, suivant le mot d'un jeune philosophe contemporain, de "mettre sa fin dans la perfectionnement des moyens". De là résulte la crise de finalité qui affecte notre siècle. On va de plus vite, mais on ne sait plus où on va... On cherche aussi à compenser, par l'accumulation de l'avoir, l'unité perdue de l'être. L'homme moderne ressemble à un homme qui aurait sacrifié ses entrailles pour se procurer une énorme quantité d'aliments, et qui mangerait sans cesse sans jamais rien assimiler. Il souffre d'une sorte de diabète ontologique... (le sens étymologique du mot diabète, c'est passer au travers...).

"Singulière fortune, écrit Baudelaire, Où l'homme dont jamais l'espérance n'est lasse/Pour trouver le repos, court toujours comme un fou." Celui qui ne sait plus méditer cherche refuge dans l'agitation. Sa règle de vie se réduit à ceci: faire n'importe quoi, mais faire quelque chose. Cette fièvre de l'action agit comme un narcotique sur nos plus hautes facultés. En effet, par les satisfactions qu'elle donne et par la fatigue qu'elle procure, l'action tend toujours à trouver sa justification en elle-même: la bonne conscience" inhperente à l'homme qui "a bien travaillé" lui voile les problèmes suscités par son action. Allez dire, par exemple, à un industriel que les produits qu'il fabrique sont peut-être inutiles ou nocifs: le pauvre homme, déjà obsédé par son labeur quotidien et les soucis de production et de vente, ne manquera pas de vous renvoyer à vos propres affaires avec une certaine irritation... Il n'est pas facile de hausser les problèmes techniques et économiques au niveau humain et social.

Continua ...

domingo, 23 de setembro de 2012

Méditation et action (I)

Ce texte a été établi d'après un enregistrement dactylographié (sans indication de lieu ni de date) et le manuscrit d'un plan de conférence. Conférences données sous ce titre dans les années 1960.

[. . .]

Précisions d'abord le sens des mots. Méditer signifie réfléchir avec force sur quelque chose. En ce sens, la méditation est dejà une action, mais une action intérieure à l'homme. Quant au mot action, il désigne, dans le vocabulaire courant, une intervention sur le monde extérieur. Si nous disons par exemple que tel médecin que c'est un homme très actif, nous entendons par là non pas qu'il médite puissamment dans le silence de son cabinet, mais qu'il voit beaucoup de malades.

Il n'y a pas opposition mais corrélation entre la méditation et l'action

On peut très bien méditer sans produire aucune action extérieure, mais l'inverse n'est pas vrai: on ne peut pas agir sans méditer (sauf dans les actions purement réflexes.) L'homo faber n'est pas concevable sans l'homo sapiens. Il n'y a donc pas opposition mais corrélation entre la méditation et l'action. Et c'est cette perpétuelle osmose entre la vie intérieure et la vie extérieure, entre la pensée et la main, qui a permis le progrès des sciences et des techniques. Les mathématiques appliquées procèdent des mathématiques pures: la première machine à calculer est née de la méditation de Pascal sur les nombres...

La méditation porte sur l'essence des choses (ou sur leur existence en tant que représentée), tandis que l'action concerne leur existence concrète et leur matérialité. Marx, théoricien de l'action, nous dit que le monde nous est donné "pour être transformé et non pour être contemplé". Mais pour transformer, il faut d'abord connaître ce qu'on transforme, et ensuite savoir dans quel sens on va le transformer. Le menuisier, avant de commencer à fabriquer une table, a déjà une idée précise de cette table --- et c'est cette idée, cette représentation qui le guide dans son travail et lui fait choisir ses matériaux et ses outils. L'action met en oeuvre les moyens nécessaires à la réalisation d'un but déjà présent à l'esprit.

Dès qu'on veut réaliser quelque chose, dans tous les domaines, y compris les plus élevés, il faut faire appel à une méthode, c'est-à-dire à une technique, il faut utiliser certaines "ficelles" : il y a une technique de la peinture, par example, une technique de la poésie et même, pour le prêtre, une technique de l'apostolat. Seulement, bien entendu, il faut qu'il y ait un peu autre chose que la technique, il ne faut pas que les ficelles s'agitent toutes seules... Dans certains discours académiques ou religieux, on les voit d'une lieue, ces ficelles --- c'est assommant! En Amérique, j'ai entendu parler de la "technologie du salut". La technologie pénètre partout vraiment! Je racontais à tout à l'heure à Gilbert Tournier cette petite anecdote qui m'a beaucoup amusé: dans une certaine rue d'Avignon, il y a beaucoup de demoiselles "de petite vertu" --- Avignon est une ville pittoresque où elles s'etalent beaucoup, ces demoiselles, d'une façon d'ailleurs assez inoffensible. Eh bien! il y a une vingtaine d'années, elles arrêtaient le passant en lui disant: "Viens, je serai gentille...", et l'autre jour, j'ai constaté qu'elles avaient changé de formule! Maintenant, elles lui disent: "Tu sais, je suis une spécialiste..." ! Oui, aujourd'hui la technique se loge absolument partout...

Seul l'animal, dont les instincts sont réglés et finalisés une fois pour toutes, peut s'offrir le luxe d'agir sans réfléchir. Un oiseau qui fait son nid amasse de la mousse et des brindilles sans se creuser la tête! C'est dans ce sens que Rousseau, apôtre de la "bonne nature", disait que "l'homme qui médite est un animal dépravé". Mais c'est pour ela aussi que l'animal est incapable d'initiative et de création: tout les nids d'hirondelles se ressemblent depuis l'origine du monde, tandis que l'architecture des maisons construites par les hommes évolue sans cesse.

L'homme est "condamné au sens": il modifie le monde extérieur en fonction d'un project, d'une valeur, qui naissent de sa méditation. On pourrait dire qu'il y a le même rapport entre la méditation et l'action qu'entre l'âme et le corps tels que les définit le philosophe allemand Klages: "L'âme est le sens du corps et le corps est le signe de l'âme."

L'equilibre entre la méditation et l'action peut être rompu de deux manières.

La première consiste à penser pour penser, avec tout ce que cele comporte de facilités et d'illusions, car enfin, dans le domaine des idées, tout est permis... Les choses de l'esprit sont extrêmement malléables, on peut en faire ce qu'on veut, toutes les combinaisons sont possibles, et il n'y a aucune espèce de sanction, tandis qu'avec la matière on risque toujours de tomber dans l'irréparable, dans l'irréversible. C'est sérieux, la matière... Nous devrions mettre autant de rigueur dans le domaine intellectuel que nous sommes obligés d'en mettre dans le domaine matériel. Si un garde-barrière se comportait avec les trains comme certais intellectuels (ou hommes politiques) se comportent avec les idées, qu'arriverait-il? Qui donc a dit: "Dieu pardonne toujours, l'homme quelquefois, la nature, jamais"?

La deuxième consiste à agir pour agir, sans finalité, sans référence à l'idée ou à l'idéal --- avec tout ce que cela entraîne d'agitation, de trépidation, d'appauvrissement de l'être intérieur et, à la limite, d'abrutissement. C'et le prope de l'homme d'être toujours en équilibre instable, d'être toujours menacé de tomber tantôt d'un cotê, tantôt de l'autre... Quand nous marchons, nous rattrapons à chaque pas le commencement d'une chute...

Le monde antique et le monde médiéval penchaient vers la méditation, au mépris de l'action. Les Anciens --- à quelques exceptions près, comme Archimède --- ne songèrent pas à développer les possibilités d'applications techniques contenues dans les mathématiques pures. Il est étonnant de voir à quel point la plupart d'entre eux méprisaient la technique. Dans ses Lettres à Lucilius, Sénèque parle des trois inventions qu'on venait de faire à l'époque: le chauffage central, la sténographie et les vitres transparentes. Trois choses assez importantes tout de même, du point de vue pratique... Eh bien, voilà ce qu'il en dit: "Tout cela n'est pas le fait de la sapientia (de la sagesse), mais de la sagacitas (de l'habileté, mère des techniques, du savoir-faire...) et ce qui prouve l'insignifiance de ces choses, c'est que ce sont des esclaves, comme par hasard, qui les ont inventées. La sagesse vise plus haut..."

Le monde moderne au contraire penche dangereusement vers l'action. Les prodigieuses transformations opérées sur la matière et dans nos conditions de vie, grâce au développement des techniques, nous amènent à valoriser les sciences et à déprécier la connaissance spéculative comme un jeu stérile de l'esprit. "À quoi cela mène-t-il?" dit-on dédaigneusement à propos des études purement littéraires ou philosophiques. Si nous représentons les deux choses dont nous parlons: l'une, la spéculation, par le mirroir (puisque spéculation vient de speculum: miroir), et l'autre, l'action, par le marteau, nous dirons qu'aujourd'hui il faut veiller surtout à ce que le marteau ne brise pas le miroir, ne sarai-ce que parce que si le miroir était brisé, l'action serait défigurée.

L'homme du XXe siècle est victime d'une rupture d'équilibre entre sa puissance sur les choses et ses capacités de vie intérieure. Son action est désorientée par le manque de méditation. Il n'a plus le temps de penser, dit-il, plus le temps de lire, plus le temps de consacrer une heure à quoi que ce soit d'un essentiel (conversation avec un proche, avec un ami, échange de lettres, etc.): l'existence le dévore, la matière l'absorbe. Il paraît pourtant que les machines ont été inventées pour nous libérer, nous donner du temps... Il faut croire que nous ne savons pas nous en servir. Les progrès techniques, dont la fonction, en principe, est de réduire notre esclavage, nous asservissent, en fait, toujours davantage. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond! Ce qui ne tourne pas rond, c'est que ce qui intéresse les hommes, au fond, ce n'est pas d'avoir le temps, mais de savoir comment gagner toujours plus de temps, et ce n'est pas d'être libre, mais de savoir comment se libérer toujours davantage: en un mot, ce n'est pas la fin, mais la performance de leurs moyens.

Continua...

Fonte: "Les hommes de l'eternel" - Conférences au grand public (1940-1985) établies et présentes par Françoise Chauvin - Mame, Paris, 2012

sexta-feira, 24 de agosto de 2012

"Diagnósticos de fisiología social" - Introducción


Los diversos ensayos que componen esta obra han sido redactados entre 1934 e 1939. Fueran publicados por primeira vez en un volumen en abril de 1940. Algunas alusiones al nacionalsocialismo tuvieron que ser suprimidas en las ediciones aparecidas bajo la ocupación. Aquí reproducimos la edición original.

Después de tantos acontecimientos que han agravado aún más la confusión de los términos y de los valores, no nos parecen inútiles algunas palavras de explicación concernientes a textos ya antiguos.

No negamos que este libro tiene significación política, en el sentido etimológico de la palabra. Pero por la universalidad y la perennidad de los problemas que aborda, se sitúa netamente fuera de las fluctuaciones de la actualidad política. La mayor parte de las etiquetas políticas no son, por desgracia, otra cosa que eso: etiquetas; o sea fórmulas tan superficiales como fácilmente intercambiables. Más que la etiqueta, lo que nos interesa es el contenido real del frasco. Atribuímos poca importancia a las fórmulas políticas en cuanto temas de propaganda o de polémica; lo que cuenta para nosotros es su grado de encarnación en las costumbres, la forma en que afectan establemente a la sustancia del hombre y a la estructura profunda de las comunidades.

Se nos ha acusado de ser enemigos irreductibles del régimen democrático y del socialismo. Cremos que una lectura atenta de esta obra permitirá a todos comprender y matizar nuestro verdadero pensamiento. Aquí añadiremos solamente dos precisiones.

Primeiro: No atacamos a la democracia en general (ha habido en el curso de la Historia, y hay todavía en ciertos países, fórmulas democráticas perfectamente válidas), sino a esa pseudodemocracia fundada sobre la ley del número y sobre los juegos de la política y del dinero que, privando el pueblo de suas lazos y apoyos naturales, desemboca necesariamente en el totalitarismo.

Segundo: Cuando hablamos de socialismo no queremos designar ninguna formación política determinada, y nos limitamos a aplicar este vocablo a un estado de espíritu profundo y universal, a un resbalar de las costumbres sociales que afecta, bajo modalidades diferentes, al conjunto del mundo moderno, y que tiende a reabsorber al individuo humano y a las comunidades fundamentales (familia, empresa, profesión, etc.) en un estatismo abstrato donde, en ausencia de todo lazo vital entre los hombres, la libertad no puede ser más que anarquía y el orden no puede ser más que tiranía. Tambiém aquí es la repulsa del totalitarismo lo que determina nuestra actitud. Quizá no es simplemente un azar el que Hitler bautizase su doctrina con el nombre de nacionalsocialismo, y el que M. Pierre Laval gritase, al mismo tiempo que deseaba la victoria de Alemania: ``Europa será socialista. . .''

No se trata, claro está, de equiparar a Hitler y a los socialistas de todos os países. No ignoramos que los socialistas cuentan en sus filas con muchos hombres profundamente respetuosos de los verdaderos valores sociales, y a éstos precisamente es a los que quisiéramos poner en guardia contra los peligros de la hipertrofia estatal. Cuando Luis XIV decía: ``El Estado soy yo'', expresaba un absolutismo muy limitado. Ser dueño del Estado no significaba entonces ser dueño de todo. Una infinidad de organismos (familiares, locales, judiciales, religiosos, etc.) escapaban al control inmediato del Estado y, por consiguiente, al del ``tirano''. Ya no es lo mismo hoy día, cuando el Estado tiende a identificarse con la nación misma. Todo estará en manos del Estado, proclaman ciertos emancipadores del pueblo. Muy bien. Pero el Estado mismo, ?`entre las manos de quién estará? ?`Del pueblo? Sabemos muy bien que eso no es posible; estará en manos de aventureros que hablarán en nombre del pueblo y cuyo poder, multiplicado por la centralización, sobrepasará al de los peores tiranos de otros tiempos. Un Hitler acaba de darnos la medida de lo que puede ser semejante tiranía.

* * *

Sin embargo, nuestro horror de los totalitarismos no nos convierte en partidarios de un liberalismo sin freno ni contrapeso. Muchos de los lectores y críticos de DIAGNÓSTICOS nos han alistado espontáneamente entre los espíritus ``de derechas''. Aceptamos de buen grado la etiqueta, pero a condición de que se nos permita precisar el contenido del frasco. En 1942 publicamos sobre el problema de las relaciones entre las derechas y las izquierdas algunas páginas que resumen bien nuestra posición personal y que reproducimos aquí exactamente:

``?`Es usted de derechas o de izquierdas?, me han preguntado muchas vezes. Ante todo, contesto yo inmediatamente a mi interlocutor: ?`qué entiende usted por izquierdas y por derechas? Las respuestas que obtengo me confirman en la opinión de que esas nociones de derechas y de izquierdas, en la mente de la mayor parte de los mortales, van envueltas en una inverosímil niebla de prejuicios y de ilusiones.''

``Personalmente, recuerdo haber sido calificado en el mismo día de odioso reaccionario, porque afirmaba que no hallaríamos la salvación más que en la creación de una nueva aristocracia, y de espantoso socialista, porque admitía ciertas dudas sobre la legitimidad de la propiedad puramente capitalista.''

``En mi opinión, dos grandes fuentes de error contribuyen, en este dominio, a confundir y descaminar los espíritus.''

``La primera consiste en enfrentarse con ciertos problemas sociales que tienen un contenido eterno, no ya, como convendría, en función de las leyes esenciales de la naturaleza humana, sino únicamente desde el puento de vista de ese accidente monstruoso---y relativamente reciente---que es el dominio absoluto del dinero. Esto es una mina inagotable de equívocos. Por una parte, muchos hombres de derechas, pontífices o aprovechadores del capitalismo, se imaginan que ellos encarnan los valores de orden y de estabilidad; por otra parte, muchos hombres de izquierdas, disimulando sus instintos de subversión bajo el velo de un ideal de justicia y de progreso, se gozan en destruir, a través del falso orden burgués y la tiranía del dinero, las nociones eternas de autoridad y de jerarquía.''

``Si afirmamos la necesidad de una sana aristocracia dirigente, independiente de los cambios y caprichos de las masas, se nos trata inmediatamente de enemigos del pueblo, se une nuestra causa a la de los poderes financieros o de los burgueses ociosos y degenerados. Se olvida una cosa: que la aristocracia de que nosotros hablamos tiene tan poca relación con la pseudoaristocracia de amos y aprovechados de la hora presente, que sería preciso crearla casi por entero.''

``Reprochamos a ciertas ideologías de derechas el no tener otro objetivo que salvar, so capa de oponerse a la anarquía, ciertas ventajas exclusivamente materiales y financieras. Pero experimentamos igual repulsión por otras ideologías de izquierdas que se proponen únicamente reclamar para todos los hombres las mismas sórdidas ventajas. En ambos casos, la primacía absoluta de la materia, del dinero---raíz fatal de injusticia, de desmoralización y de conflictos---, permance incólume.''

``Nuestras ambiciones son más profundas. Nosotros queremos una refundición medular de la sociedad que, en todos los grados de la escala social, asegure a los hombres una amplia independencia respecto al dinero. En otros términos, queremos que los valores vitales y espirituales sustituyan a los valores financieros como medida del esfuerzo de un hombre y de su lugar en la jerarquía. Somos tan poco burgueses, en el sentido envilecido de esta palabra, que, lejos de querer aburguesar al pueblo (Péguy había denunciado ya esta tara de ciertos socialismos), querríamos desburguesar al burgués mismo.''

``Si el socialismo consiste en frenar los excesos del capitalismo liberal en provecho de las comunidades y de las jerarquías naturales, nosotros somos socialistas. Pero si consiste en destruir el capitalismo liberal en provecho de un capitalismo de Estado aún más ajeno a las necesidades profundas del hombre, entonces ya no somos socialistas. Si se trata de reabsorber el proletariado permitiendo a cada uno que represente un papel orgánico en sua sociedad organizada y que desarrolle su personalidad en su trabajo, estamos de acuerdo. Pero si se trata de reemplazar la inseguridad de los proletarios por la seguridad muerta de una polvareda de funcionarios sin ambiente humano, sin lazos vivos con su tarea, más desarraigados y más irresponsables todavía que los burgueses egoístas, todo lo que sabemos sobre el hombre, todo lo que amamos en el hombre se subleva contra esta forma de ``progreso''.

``El capitalismo es como una mesa donde se sirven alimentos adulterados a un pequeño número de hombres. Desgraciadamente, hay demasiados revolucionarios que no tienen otra ambición que la de multiplicar hasta el infinito el número de los invitados a este festín impuro. Por nuestra parte, nosotros queremos derribar la mesa a fin de servir a los hombres un alimento más humano.''

``El segundo error consiste en establecer una oposición absoluta entre la derecha y la izquierda, siendo así que estas dos nociones, en la medida en que corresponden a un objeto real, se interpenetran y se completan en la unidad de la vida.''

``Es un absurdo abuso este de pegar sobre cada frente pensante una etiqueta inamovible de hombre de derechas o de hombre de izquierdas. En realidad, un auténtico guía de la humanidad no es nunca de derechas ni de izquierdas de modo absoluto y definitivo: es de derechas o de izquierdas según los tiempos, los lugares, las circunstancias y las diversas realidades que maneja.''

``Bossuet, por ejemplo, ?`es de derechas cuando proclama el derecho divino de los reyes? O bien, ?`es de izquierdas cuando denuncia el egoísmo asesino de los ricos? ?`Es ser de izquierdas el tomar partido por el auténtico pueblo que sufre y que lucha? O bien, ?`es ser de derechas el oponerse al populacho (que, por cierto, no está forzosamente compuesto sólo de pobres), ávido de destruir y de dominar?''

``En último análisis, estas nociones de izquierdas y de derechas tienen sólo una importancia relativa. Lo esencial es realizar una sintesis viable de los diversos elementos (libertad y autoridad, igualdad y jerarquía, etc.) englobados en las dos ideologías opuestas. Todo educador digno de este nombre se siente duro frente a un niño mimado y tierno frente a un niño maltratado. Y es el mismo amor del niño el que dicta estas dos actitudes en apariencia contradictorias. Un bueno carretero empuja al carro cuando sube y lo frena cuando desciende, y ambas acciones testimonian el mismo cuidado de la buena marcha del tiro. Lo mismo sucede con las izquierdas y las derechas. Allí donde el armazón social amenaza derrumbarse hacia la derecha, nosotros nos inclinamos hacia la izquierda para procurar restablecer el equilibrio; allí donde amenaza derrumbarse hacia la izquierda, nosotros nos inclinamos hacia la derecha. Y a los que nos acusen de relatividad y de oportunismo y nos reprochen no tomar netamente partido por tal o cual movimiento de derecha o de izquierda, le responderemos que hemos tomado partido desde un principio por el centro de gravedad del edificio.''

* * *

No añadiremos a estas líneas más que una última precisión. Todo el mundo está hoy día de acuerdo en denunciar el fracaso del capitalismo liberal. El anticapitalismo se ha convertido en lema común a la mayoria de los partidos, desde la extrema derecha, que se complace en recordar las palabras del Conde de Chambord sobre ``la fortuna anónima y vagabunda'', hasta la extrema izquierda, que estigmatiza estrepitosamente ``la dictadura de los trusts''. Evitemos, sin embargo, dejarnos hipnotizar por un objetivo puramente negativo. Hay un deber aún más importante que el de luchar contra el capitalismo: el deber de suscitar los organismos básicos, los cuadros y las élites capaces de reconstruir un mundo viable a través del hundimiento del capitalismo. ?`Podemos afirmar que tales elementos existen hoy en dia? En muchos casos, ?`no es la organización capitalista la última estructura social, artificial y malsana sin duda, pero más allá de la cual no queda más que un arenal de individuos sueltos? Y si esta estructura se rompiese súbitamente, ?`cómo evitaríamos, en primer lugar, el caos y en seguida la opresión totalitaria? De aquí la urgencia de establecer con toda rapidez los organismos profesionales y locales, las comunidades vivas que nos eviten pasar de la tirania del financeiro a la del burócrata, del reinado de la caja fuerte al de la circular. No basta demoler, es preciso también construir; o, más bien, es preciso demoler construyendo. Lo ideal sería que el capitalismo fuese, no destruído por una revolución que no dejase tras de sí más que ruinas, sino corregido y reemplazado gradualmente por el desarrollo de auténticas comunidades humanas. Debemos luchar contra el capitalismo de modo semejante a como la segunda dentición de los niños lucha contra la primeira: cada diente que cae es reemplazado por otro diente más sólido y mejor adaptado a las necesidades del ser humano.

* * *

La degeneración de las tradiciones, de las costumbres y de los caracteres; la instabilidad familiar y profesional; la limitación de la natalidad; la lucha de clases y de partidos, y todos los otros males diagnosticados en este libro, hacen aparecer ante nuestros ojos con angustiosa evidencia la terrible pérdida de sustancia que afecta a nuestro país. Hay demasiados franceses que, absortos en la fórmulas políticas más abstractas, arbitrariamente revestidos de un poder mágico, discuten para decidir si la casa se pintará de blanco, de verde o de rojo; lo malo es que olvidan que los cimientos amenazan ruina. No se trata de enlucier, sino de reconstruir. Se trata de re-crear humildemente, pacientemente y empezando por la base, una estructura orgánica de la ciudad en que el hombre, íntimamente ligado a su tarea y a sus semejantes, pueda vivir y trabajar de acuerdo con las exigencias profundas de su naturaleza, y donde el mínimum de violencia legal inherente a toda sociedad sea la defensa y no la tumba de la liberdad. Tal objetivo deberia bastar a unir los esfuerzos de todos los hombres de buen sentido y de buena voluntad. Por nuestra parte, jamás hemos tenido otra ambición que aclarar un poco el camino que lleva a este fin.

Aroue, 24 de noviembre de 1944.

sábado, 28 de julho de 2012

Nolite judicare

Eu penso naquele homem que uma esposa egoísta e tirânica humilha constantemente em público. A reacção é unânime por parte daqueles que com ele convivem. "Eu não suportaria isto" --- exclama toda a gente. Esta afirmação é tanto mais peremptória quanto cada um se coloca de repente e sem transição, com o seu estado de alma e seus hábitos, na situação daquele infeliz. O que ninguém vê é o declive insensível, por onde este homem, porventura tão independente e altivo outrora, desceu a tamanha degradação. A mulher que hoje o avilta, soubre primeiramente fazer-se amar; ela só descobria então o lado melhor de si mesma; os seus defeitos revelaram-se pouco a pouco, e nenhuma das suas exigências ou deveres constituia razão para transformar um amante dócil em domador brutal. Eis porque a queda é fatal quando o declive é progressivo.

Fonte: "O olhar que se esquiva à luz" - Livraria Figueirinhas - Porto, 1957

quinta-feira, 19 de julho de 2012

Aforismo

"É uma grande loucura pretender alguém ser o único sábio". Porque a sabedoria é por essência difusiva e acresce pela comunhão. Mas pode também dizer-se, numa época em que tantos loucos querem apresentar a sua loucura como uma forma de sabedoria (Gabriel Marcel fala, a justo título, do " conformismo do aberrante") que é uma grande sabedoria ser louco sòzinho, isto é, não espalhar a sua loucura por onde quer que seja, não inverter a escala dos valores, sob pretexto de que nos encontramos em baixo. Regra de vida: repartir tudo o que se tem de bom e guardar com avareza tudo o que se tem de mau.

Fonte: "O olhar que se esquiva à luz" - Livraria Figueirinhas - Porto, 1957

segunda-feira, 25 de junho de 2012

Por que sou cristão?

Porque tenho fome de um Deus que não seja nem pura treva, nem eu mesmo, de um Ser que, embora intimamente parecido comigo, seja também tudo o que me falta.

Porque neste mundo quero abençoar tudo, sem nada divinizar.

Porque quero conservar ao mesmo tempo o olhar claro e o coração em chama.

Porque sinto que a aventura humana se dirige a algo diferente e melhor do que um desespero sem conteúdo, do que uma interrogação sem resposta, do que uma inércia vazia de sentido.

Porque quero conciliar a imensidade de amor que há em mim, com o desencanto tantas vezes provocado pela presença do homem.

Porque preciso de luz no mistério, e de mistério, na luz.

Porque quero ter, não só a força de construir e de viver, mas também a outra, que a transcende, de esperar, mesmo no desmoronamento e na morte.

Mas, se espero tudo, se creio tudo, como diz São Paulo, será apenas para tornar a vida mais suportável e para ser consolado? Sim. Também destas pequeninas necessidades pessoais se trata, quando nos sentimos ligados a todo o universo, responsáveis por todo o universo!

Na verdade, é a minha paixão do mundo que me faz cristão. É o meu respeito e a minha gratidão para com este destino que me sustenta e que se não identifica comigo.

Não me amo bastante, para escolher no céu um Deus conforme os meus desejos, mas amo bastante a vida, para não a julgar infinitamente bela, plena e justa, para não a confundir radicalmente com o Deus dos cristãos.

É como se vê, a transposição da aposta pascaliana, do sujeito para o objeto.

Fonte: "A escada de Jacob" - Editorial Aster - Colecção Éfeso

domingo, 17 de junho de 2012

EROTISMO CONTRA AMOR

A chamada civilização ocidental encontra-se completamente submersa num nevoeiro de erotismo, tão denso e tão insalubre como o fog londrino nos piores dias de outono.

Quer se trate de jornais, livros, espetáculos ou anúncios, encontra-se por toda a parte a mesma escalada do sexo (embora, na realidade conviesse mais falar de escorregamento), o mesmo desfile de narrações ou imagens eróticas, sempre tão fastidiosas --- dizia Camus --- como a leitura de um manual de bons costumes.

Esta invasão atinge um grau de variedade e de irrealismo que não tem paralelo em momento algum da História. Acode-nos imediatamente ao espírito a frase de Talleyrand: "Todos os exageros são insignificantes". A inflação traz consigo a desvalorização.

Não é em vão que se diz que a estupidez absoluta "desarma". Não se pode reagir senão com o riso. O riso purifica. e disse-se que no último dia a Eterna Sabedoria rirá.

Mas se o erotismo --- pelo que é em si --- não produz em nós mais que irrisão, aparece também como um terrível sinal de alarme no que respeita às realidades humanas, que esgota e desnaturaliza. Ao mesmo tempo que rimos perante a caricatura, choramos perante a forma mutilada.

E aqui, a forma é a sexualidae humana, que, longe de ser --- como nos animais --- uma faculdade quase autônoma e dirigida por uma finalidade invariável (acto sexual, procriação), apenas se exerce em função de uma interpretação e de uma orientação de que participam todos os restantes elementos da personalidade: afectividade, desejo de domínio, sentido estético e religioso, etc. O que eu condeno no erotismo é o facto de solicitar o mais superficial e baixo desses elementos, para desviar a sexualidade dos seus fins biológicos e espirituais, conseguindo degradar o homem completo, tornando-o escravo de um "sex-ídolo" simultâneamente desvitalizado e sem espírito. Em última análise, não se trata de cultivar o apetite carnal mas de prostituir o ideal na carne.

AMOR DOENTIO

O que é o erotismo? O termo, de origem muito recente, serve para designar hoje em dia tudo aquilo que nas palavras, textos e imagens faz referência à atracção dos sexos: frases, livros, canções, pinturas, fotografias, cinema... eróticos. Tudo o que implica complacência, deleitação do espírito nas coisas da carne: o Larousse registra as duas definições seguintes: "amor doentio" e "busca da sensualidade". Acrescentemos que se trata mais de uma sensualidade representada do que de uma sensualidade vivida; mais de uma obsessão do que de uma necessidade; de uma ficção enxertada numa realidade e que, como veremos adiante, tende a desnaturalizá-la e até a sustituir-se a ela.

ÍDOLOS E TABUS

Qual é a causa desta vaga de erotismo no mundo contemporâneo?

Pode pensar-se num fenómeno de rejeição exuberante, como reacção ao excesso de rigorismo das gerações precedentes. O Jansenismo e o Puritanismo, que reprovam como inconfessável, e coisa de que não podia falar-se tudo o que se referia às obras da carne, constituíram feitos inéditos na História. Como um gás demasiado comprimido, esta sexualidade a que se tinha negado o lugar na mente e na expressão, acabou por fazer estalar as barreiras e estendeu-se por toda a parte. E ao tabu sucedeu o ídolo...

Mas tudo o que existia de artificial e malsão no tabu comunicou-se ao ídolo. Assistimos a uma degenerescência  hipertrofiada da sexualidade: o erotismo moderno procede mais da excitação que do vigor, mais do cérebro e dos nervos que da carne e do sangue. E os seus extremos apresentam uma impotência básica para assumir normalmente a realidade sexual. A seexualidade introduz-se em toda a parte, na medidade em que se é incapaz de a exercer no lugar adequado. Invertendo a célebre frase de Pascal, um jovem filósofo canadiano, Jacques Dufresne, escreveu que a sexualidade "tem a circunferência em todas as partes e o centro em parte nenhuma".

A sexualidade gravita em torno de pois polos: o apetite carnal e o amor espiritual. O erotismo actual não tem nada a ver com um nem com o outro.

O EROTISMO, FLOR DE ESTUFA

Uma simples olhadela pela literatura e pelas representações eróticas basta para apreciar quão longe nos encontramos da louçania e da efervescência vitais. Com algumas exceções --- um Brassens, por exemplo, ou um Delteil --- as obras em que se expõem todas as intimidades carnais situam-se nos antípodas da sã galhardia de um Aristófanes ou de um Rabelais. A frialdade alia-se à obsecenidade, é a tranposição do strip-tease em tudo o que representa de malsão e calculado. Penso nalguns romances de inspiração psicanalítica ou existencialista, onde se expõem, num ambiente de conivência os tenebrosos bas-fonds da vida sexual. Quem seria capaz de falar de leveza ou de louçania? O que se desprende dessas folhas sem clorofila é um peso mortal de tédio: o que nos trazem à imaginação são esses fungos de inverno, acetinados, pegajosos que pululam à volta de um tronco velho apodrecido.

"PLAY-BOY" OU AS MONTRAS DO SEXO

O mesmo se passa com as imagens. Nas inúmeras publicações de tipo "Play-Boy" sobressai a habilidade dos "escaparatistas" do sexo. Corpos femininos generosamente desvestidos, mas adornados com um certo véu, de modo que --- por meio de uma sábia distribuição de exibição e mistério --- a subtil arte do "deshabillé" proporciona o aspecto picante do nu...; e tudo isso para provocar uma excitação fictícia que tem mais de prurido que de desejo.

Seria necessário analisar a importância desmedida que a imagem ganhou na vida psíquica --- consciênte e, sobretudo, inconsciente --- do homem contemporâneo. Não me refiro às imagens surgidas da fantasia de cada indivíduo, mas sim às imagens fabricadas em série por técnicos da informação e da propaganda. Essas imagens são, para muitos homens, como que o primeiro alimento que recebem da realidade, como que o ponto de vista a partir do qual apreciam essa realidade. Sente-se, julga-se, tem-se a atracção ou repulsa através de uma imagem. Não mais esquecerei a reflexão que fez um  modesto cidadão em Chamonix, ao contemplar o Monte Branco pela primeira vez: "Ah... Já vi isto na televisão".

UMA CIVILIZAÇÃO ARTIFICIAL

Se, como diz Platão no mito da Caverna, o mundo sensível não é mais do que um tecido de aparências, podemos dizer que avançamos um passo em direcção à realidade, e que vivemos entre sombras "ao quadrado" e reproduções de aparências. Em todos os campos, o homem moderno se converte em "voyeur" (emprego conscientemente esse termo, tirado do vocabulário erótico), na medida em que se alimenta de espectáculos --- raramente directos e quase sempre retransmitidos --- de  factos em que não pode participar efectivamente quer devido ao afastamento quer devido às suas possibilidades. Um "voyeur" da política, do desporto, da guerra, --- e até da natureza --- : estou a pensar nos inúmeros turistas para os quais a fotografia que podem fazer tem mais importância que a paisagem que podem contemplar. E não apenas as idéias (se se pode empregar este termo), mas também as sensações mais elementares, que são dirigidas e falsificadas pela imagem. Poder-se-ia falar do papel que desempenham a apresentação e a publicidade (flamantes etiquetas nas garrafas, "estrelas" nos restaurantes --- que símbolo para esta prostituição do astro na boca! ---) em matéria gastronómica. Sapiunt alieno ex ore: "só saboreiam pelo boca do vizinho", dizia o velho Lucrécio. Estamos condicionados pela imagem, inclusivamente perante o conteúdo do nosso prato ou do nosso corpo.

Esta intoxicação atinge o ponto culminante no erotismo. Voltamos a encontrar o clássico duo exibicionista --- "voyeur", dilatado e multiplicado até ao infinito, por meio do papel impresso e das imagens.

CONFUSÃO DE VALORES

Em que consiste o "voyeurisme"? Sabemos todos que a beleza física é ao mesmo tempo objecto de desejo e de contemplação. O desejo tende, naturalmente, para a posse, o que leva consigo a ampla utilização do sentido do tacto. Ao contrário, a contemplação refere-se apenas ao sentido da vista (o mais nobre, o mais parecido com o espírito, o Eros der Ferne, de Klages). Simone Weil define beleza como "um fruto que se olha sem estender a mão".

O "voyeurisme" procede da confusão destes dois valores. A vista converte-se em fornecedora do desejo: prostituiu-se e, em última análise, identifica-se com o tacto: não só se observa estendendo-se a mão, como o próprio olhar substitui a mão. Não há nada mais expressivo que o ditado popular "comer com os olhos". Neste ponto é que aparece a diferença entre o nu estético e o nu erótico: o primeiro é evocação da beleza, o segundo é provocação do desejo. De um desejo que quase sempre se consome no próprio olhar.

UMA DUPLA FRUSTRAÇÃO

Esta combinação bastarda desemboca numa dupla frustração: a que diz respeito ao aspecto contemplativo, visto que o olhar, ofuscado pelas emanações do desejo, não pode atingir o belo na sua pureza, e no que diz respeito ao aspecto sensual também, visto que o homem fica obcecado, até mesmo no exercício concreto da sexualidade, por uma nebulosa de imagens inacessíveis que se interpõem entre o seu desejo e o objecto possuído. A civilização da imagem democartriza o suplício de Tântalo. Quem está demasiado habituado a "comer com os olhos" perde ao mesmo tempo a pureza do olhar e o gozo da posse.É um facto provado que o erotismo e a insatisfação sexual andam juntos. Um psicólogo americano falava-me  recentemente dos homens impotentes e das mulheres "frias e desenfreadas".

Mas, como se explica o prodigioso êxito do erotismo? O sexo comercializado vende-se às mil maravilhas. Como é que se encontram tantos compradores? ...

Não basta invocar a potência bio-psicológica do apetite sexual, já que o erotismo se refere ao corpo apenas indirectamente e não traz nada ao espírito. É no clima interior e exterior em que o homem se encontra imerso que devemos buscar as razões deste êxito.

UMA CIVILIZAÇÃO DE "MIRONES"

Em primeiro lugar corresponde ao carácter artificial da nossa civilização. Em todos os ramos da nossa atividade (alimentação, trabalho, distração, deslocações, etc.), cada vez se multiplicam mais os "écrans" entre o homem e a  Natureza. O erotismo partilha deste movimento: a "boneca" descarnada do cinema ou o cartaz publicitário são um prolongamento de laranja envolvida em celofane, do vinho químico e da diversão dirigida. Existe também um parentesco com as drogas, cujo consumo não deixa de aumentar (as doenças terapêuticas estão na ordem do dia das preocupações médicas), desempenham, em relação à sexualidade normal, o papel de excitante e de sedante, visto que, por um lado, incentivam a "liberdade de costumes" e, por outro, (é o grande alibi invocado pelos "pornocratas"), acalmam a insatisfação sexual, desviando-a pelos caminhos aparentementes inofensivos do sonho.

Adapta-se também à atmosfera de facilidade que nos rodeia. O exercício normal da sexualidade implica sempre um mínimo de obstáculos e de responsabilidades, ao passo que a letra impressa e a imagem poder ser absorvidos sem esforço e sem continência. E toda a gente é convidada para este festim ilusório: "Tudo para todos", na medida em que tudo se reduz a nada. Uma vez que não tem duração real, a sexualidade imaginária não tem limites: tudo é possível, tudo é permitido no reino do sonho e da ficção. No mundo das imagens toda a gente é rei. Qualquer zé-ninguém encontra ao alcance das mãos --- melhor dito, dos olhos ---, material suficiente para construir, sonhando um harém tão opulento como o de Salomão. Consegue também a sua parte o instinto igualitário que domina a nossa época.

DEGRADAÇÃO DO INSTINTO RELIGIOSO

Mas há pior. Trata-se do desvio e da degradação do instinto religioso, do sentido do mistério e do sagrado, que desapareceram pràticamente deste nosso mundo utilitário. De facto, podemos falar de uma transcendência da sexualidade, a respeito do indivíduo: por isso existem afinidades entre o amor humano e o amor divino, tão longamente recordadas por tantos escritores místicos. Os amantes sentem vibrar uma promessa misteriosa na atracção que os inclina para o ser desconhecido e complementar: o seu amor baseia-se antes de mais na esperança de uma revelação. Os que são incapazes de receber esta revelação através do amor, procuram-na no erotismo. É a única saída para o desconhecido que resta a tantos dos nossos contemporâneos, cuja vida condicionada e sem cor se desenvolve sem aventuras e sem imprevistos à face da terra e sem esperança do céu. O erotismo dá-lhes a ilusão de que ultrapassam a sua mediocridade e dos seus limites. "O infinito à disposição dos cães fraldisqueiros", dizia Céline...

De outro modo torna-se impossível compreender esta magia do erotismo e a atracção que exercem todos os falsos mistérios, pululando em torno de um verdadeiro mistério esquecido e profanado. As "revelações" do erotismo referem-se ao corpo feminino e aos gestos --- normais ou aberrantes --- do amor carnal. Como se houvesse algum ineditismo em tudo isso! A literatura grega e os documentos da vida privada dos doze Césares esgotaram já o assunto. Onde encontrar, no meio de tantas antiguidades, o menor sinal de novidade? A "escalada do nu" é assunto de todos os tempos: como se se tratasse de um monte inacessível cujo cimo se perdesse na "nuvem do desconhecido"!

Mas --- di-lo-emos de novo ---, trata-se de um fenómeno sobre o qual a lógica e até a evidência não têm qualquer poder. Baudelaire via nele o indício do "animal religioso que se engana de ídolo". O erotismo é como uma janela falsa pintada na  parede, através da qual o mal-amante e o mal-amado tentam em vão fugir ao seu isolamento e ao seu tédio. E esta religião do sexo tem os seus deuses, os seus mistérios, os seus mediuns (os "monstros sagrados"), com a aviltante particularidade de qe o que não tem nome substitui o indizível.

UMA "RELIGIÃO" QUE SE CONSOME A SI MESMA

Falo já no passado, porque a religião do sexo começa a apresentar graves indícios de desgaste. Consome-se à medida que consegue liquidar o velho capital de proibições, de inibições e pseudo-mistérios amontoados pelas gerações precedentes, já que o seu prestígio provém disso mesmo. Mas além do pecado, o mesmo da ilusão, chega a insignificância do sexo. A miragem, ao desvanecer-se, deixa ao nu a imensidade estéril do deserto. O sexo entra assim no ciclo economia de consumo. A mulher eterna e a mulher fatal --- Beatriz e Circe --- dissipam-se simultâneamente. Apenas resta um passatempo, uma utilidade, um objecto de entretenimento. Presenciei recentemente, num lugar público, uma conversa entre dois  jovens varões. Falavam, alternando, de automóveis e de mulheres. O tom mal variava (em ambos os casos se tratava de  elegância de linhas, de "performances" técnicas). Embora houvesse um pouco mais de recolhimento ao falarem de carros. Na verdade, são mais caros e fazem correr mais riscos...

Os crescentes sobrelanços nos leilões (quem dá mais?) do erotismo aceleram esta queda. "Há que sacudir, seja por que preço for, a indiferença dos homens", li sob a caneta de um experimentado empresário de espectáculos licenciosos. Desconhecia que "empantorrar" de comida fosse um remédio para a falta de apetite...

Tal é o declive da idolatria. A exaltação do sexo leva directamente à desvalorização e ao desprezo pelo sexo. Não a esse desprezo polémico, de que os velhos ascetas se serviam como se fosse uma cura contra tentações demasiado fortes, mas ao desprezo indiferente dos "satisfeitos". O altar para os ídolos não é mais que a antecâmera do caixote do lixo e da cloaca.

O AMOR FRENTE AO EROTISMO

A conclusão depreende-se por contraste. O problema da saúde e do desenvolvimento sexual não se põem ao nível do sexo, mas ao nível do homem, quer dizer, da orientação que ele dá ao seu destino, e na qual o sexo não é mais do que um elemento. E a solução encontra-se no amor. Lembro-me da frase que Bismark disse à sua jovem esposa que se julgava ameaçada pela infidelidade: "Serias capaz de esquecer que me casei para te amar?" Este para implica muito mais liberdade que qualquer porque; sela, por uma exigência invariável do espírito, a promessa nascida da emoção fugida dos sentidos; traduz a "ardente paciência" do escultor que obtém uma estátua do material indeterminado que a imaginação e a carne proporcionam. O amor do par humano domestica a sexualidade: enxerta um laço singular e irredutível sobre esta força cega e anónima. O erotismo imita o anonimato da Natureza (há nada mais impessoal que o seu arsenal de fórmulas e de imagens?), desnaturalizando-o por meio dos artifícios do espírito.

Não há nada sagrado sem sacrifício, nem plenitude sem ascese. O amor dá sentido e finalidade ao sexo e ao mesmo tempo, impõe-lhe um limite. É impossível ir longe errando em todas as direcções: o caminho estreito é o único que conduz ao país sem fronteiras. O erotismo actua ao contrário: suprime aparentemente os limites da sexualidade e priva-a de sentido e de fim. É um beco sem saída disfarçado de terra prometida, onde os estropiados da sexualidade e os subdesenvolvidos do amor procuram uma evasão, encontrando ainda maior cativeiro.

Fonte: "Rumo - Revista de problemas actuais", Número 150, Agosto de 1969.

domingo, 20 de maio de 2012

En Marie le soleil de Dieu ne fait point d'ombre

Cette piété mariale, cette piété sensible dont je m'étais un peu méfié, je dois vou avouer que je l'ai retrouvée, un jour, je ne sais comment --- les grâces divines viennent comme elles veulent... l'Esprit souffle où il veut --- je l'ai retrouvée, dis-je, non plus dans la sensibilité, no plus dans l'imagination, mais comme une révélation, dans l'Intelligible, au-delà de l'Intelligible, dans le Sacré, au noyau même de l'Esprit, là où l'existence se noue à l'essence, dans ce monde inaltérable auquel nous participons tous un peu.

Ce fait prodigieux: La virginite maternelle

Eh bien! je voudrais vous dire deux mots simplement, deux paroles, que me semblent indiquer la valeur de Signe, la la valeur d'Exemple que représente pour toutes les époques, et en particulier pour notre époque, ce fait prodigieux de la Virginté maternelle. Ce sont des mots que nous prononçons très facilement, et nous ne voyons pas l'abîme qu'ils recouvrent. Deux grandes leçons d'éternité, paticulièrement adaptées à notre temps, faites pour notre temps, avec sa vaine et son impure agitation.

Marie, précisément Vierge et Mère! quelle leçon! quel signe! quel exemple!... Vierge, mais no stérile! Féconde, sans revers d'impureté! Intacte et jaillissante! une fontaine fermée, un vase scellé, comme dit l'Ecriture, d'où jaillit la source immortelle.

Trop souvent, ce qu'on appelle virginité s'accompagne de stérilité. Dans tous les domaines. Les champs de neige sous les étoilles sont magnifiques, mais rien n'y pousse, tandis que là où pousse quelque chose, trop souvent, il y a trop d'impuretés. La forêt sous les Tropiques est grouillant de vie, mais en même temps, grouillante d'impuretés. Il en est de même dans le domaine humain; il y a trop souvent une antithèse entre la pureté et ce qu'on appelle l'efficacité; trop souvent "ceux qui ont les mais pures, n'ont pas de mains!" comme disait Péguy qui le leur reprochait assez. Et ceux qui travaillent ont les mains sales!... c'est infiniment regrettable!

Seulement, tout cela n'est vrai qu'à un certain niveau. Plus on s'éleve, plus on va vers l'altitude, plus le choses qui, en bas étaient opposées, s'unissent, deviennent complémentaires. Quel était le poète qui, parlant de la Sainte Vierge disait: "O, toi, par qui s'unit en haut tout ce qui se sépare en bas!" C'est parfaitement vrai! En haut, la pureté et la fecondité, se rejoignent. La Virginité peut se communiquer, et se communiquer sans se dégrader, sans s'avilir, sans se souiller, un peu comme les rayons du soleil qui se posent, sans se salir, sur toutes les impuretés de la terre.

La Sainte Vierge nous offre l'exemple suprême, l'exemple absolu de cette synthèse. Cette virginité a donné Dieu au monde. C'est bien cela vraie efficacité... Il y a là, je crois, quelque chose d'essentiel. Sophocle disait déjà qu'il y a au fond des choses une adorable pureté. Si nous savons aller jusqu'à cette pureté qui est au fond des choses, si nous savons nous en imprégner, nous pourrons, même ici-bas, être efficaces, être utiles, être féconds sans dégrader notre idéal. Et sans avoir besoin pour agir d'admettre les compromissions, les impuretés, le tapage! Leçon prodigieuse pour l'activisme du siècle.

CE QUE LE SIECLE FAIT DE LA FEMME: UNE IDOLE, QUELQUE CHOSE D'EMPAILLE

Deuxième leçon (il y en aurait cent! mais je suis obligé de me résumer, je vous dis simplement quelques mots). Vous savez que notre siècle est un siècle d'érotisme, c'est le moins qu'on puisse dire!... d'adoration, en quelque sorte servile et stupide de la femme. Notre époque adore la femme, mais elle la dégrade en l'adorant, car il y a une forme d'adoration, qui est très voisine de l'insulte, qui d'ailleurs va très vers l'insulte. Quand l'adoration est déçue, elle détruit les idoles. Entre l'idolâtre et l'iconoclaste, il n'y a qu'un pas à franchir, et il est vite franchi en géneral!

Enfin, notre époque, en adorant la femme la dégrade en en faisant non seulement un objet de plaisir (ce que serait encore le moin mal, ou encore peut-être la chose moins impure, car le plaisir a tout de même d'étroites limites dans le temps et dans l'espace), mais elle en fait une espèce d'idole cérébrale, abstraite, qui imbibe toute l'imagination, qui flotte comme une espèce de vapeur dans l'atmosphère que nous respirons. Elle en fait une image de la femme qui n'a aucun rapport avec la femme, une image abstraite de la femme, une image irréelle. Toutes ces images de femmes, qui traînent partout, dans tous les journaux, sur toutes les affiches, partout, qui imbibent notre époque, avez-vous remarqué à quel point elles sont irréelles, à quel point elles se ressemblent toutes? Même allure, même ligne, même galbe, même sourire plus ou moins figé, tout à fait stéréotypé. C'est vraiment l'idole, quelque chose d'empaillé... et des jouets, n'est-ce pas?... des poupées!... oui, des poupées qu'on adore ou qu'on rejette, un pitoyable mélange de chair et de rêve, et l'amour est terriblement absent de ces jeux!...
Mais tout de même, il faut le reconnaître aussi, cette idolâtrie de la femme, si stupide qu'elle soit, comme toutes les idolâtries elle procède d'un sentiment profond dévié... Elle procède le l'intuition d'une réalité: La femme, porte de l'Absolu. La femme, source de la vie. Le Mythe antique des Mères. Tout cela représente quelque chose: l'idée que la femme nous rend à l'Origine, qu'elle nous rend au Principe, au Créateur, selon le mot de Lamartine, "Car l'homme éclos un jour d'un baiser de ta bouche, à jamais se souvient de sa première couche".

Il est bien certain que l'Homme cherche l'Absolu dans un être évidemment fragile et impur. Le seul bien de l'Eden qu'il ait emporté dans sa chute et dans son exil. Il n'a pas tort, certes, d'une certaine manière, mais il le cherche mal. Comme dans toutes les idolâtries, il cherche trop bas... Il ne remonte pas, jusqu'à la lumière qui nous a créés.

EN MARIE LE SOLEIL NE FAIT POINT D'OMBRE

Marie, elle, qui est en quelque sorte l'Archétype pur de la femme, elle nous attend au confluent de la femme et de la Lumière. Elle est la femme parfaitement transparente, toute baignée de lumière. Selon le mot admirable de Bérulle "En elle, le soleil de Dieu ne fait point d'ombre". C'est très beau une lumière sans ombre. Elle unit, dans ce sein qui a porté Dieu, l'étroite douceur des entrailles maternelles à l'Infini créateur du Verbe!... Il y a là un abîme!

Et ce mot de Médiatrice qui justement exprime parfaitement sa fonction de trait d'union entre notre origine terrestre et notre source divine. La femme en elle devient un pur chemin vers Dieu.

Malheureusement, l'homme, dans cet érotisme qui nous baigne partout demand trop: ce qu'il demande à la femme, c'est l'Eden. Il lui demand l'Eden sans le Ciel. Eh bien! ma foi, ce n'est plus possible. Victor Hugo dit quelque part, en parlant de la beauté féminine "C'est un tel idéal, mêlé d'un tel réel, que l'âme voit l'Eden et le préfère au Ciel!". C'est là, précisément, tout le drame de l'Homme, de préférer l'Eden au Ciel. Seulement --- il vaut autant que je vous le dise tout de suite --- il y a des utopistes (il y en a beaucoup dans notre société!) qui croient que l'Eden est une espèce de Chantier fermé pour cause de reconstruction. Je crois qu'un certain Eden est fermé définitivement. Oui! L'Eden étant fermé, c'est vers le ciel qu'il faut aller. Le Paradis terrestre, Dieu ne le donne pas, parce qu'il nous donne un bien infiniment plus précieux, et ce bien, c'est Lui-même, confié à une femme, pour être transmis à toute l'Humanité.

En d'autres termes, pour tout résumer, Eve est la porte condamnée de l'Eden, Marie est la porte ouverte du Ciel.

Je conclus: Telle est Marie, cette lumière, cette lumière de transfiguration qu'elle projette en quelque sorte sur la femme, et sur l'amour de la femme, est quelque chose de prodigieux; voilà l'exemple, voilà le modèle qu'on n'atteint pas, mais sur lequel nous devons toujours essayer de modeler notre action, notre pensée; le modèle éternel que nous devons essayer de reproduire. La femme doit respecter la Vierge en elle, et l'homme doit respecter la Vierge dans la Femme. Même dans la femme qui est femme, il y a an côte virginal qu'il ne doit jamais abolir; car en haut, dans le domaine du Sacré, la possession n'abolir pas la virginité.

C'EST TELLEMENT BEAU QUE C'EST SUREMENT VRAI

Mesdames et Messieurs, je parlais de cela un jour, à un incroyant, qui, très frappé, m'a dit: "C'est trop beau pour être vrai!" Eh bien, à cela je répondrai par le mot, je ne dis pas d'une "incroyante", car elle était chrétienne sans être catholique, si on peut dire, Simone Weil --- elle enseignait dans l'enseignement laïque, et n'avait pas à prende parti --- quand des élèves lui parlaient des dogmes catholiques et de leur plénitude, et lui demandaient: "Est-ce que c'est vrai?", elle répondait: "C'est tellement beau, que c'est sûrement vrai!". Et pourquoi, en effet, la réalité serait-elle laide? Le Beau est un transcendental comme le Vrai. Je crois qu'en haut le Vrai et le Beau doivent s'unir.

Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je conclus: je voudrais que vous eyez senti un peu à travers mes trop faibles paroles, ce Mystère de Marie Médiatrice, ce lien entre la terre et le Ciel, cette porte du Ciel, cette étoile du matin, qui précède et qui annonce l'aurore.

Font:  Extrait de "L'Homme Nouveau", du 6 avril 1958