En réalité, dans le plaisir comme dans la peine, dans la vie comme dans la mort, je n'ai jamais eu peur que du néant. Ce néant, je le porte en moi. C'est mon vide intérieur qui fait mes plaisirs décevants et mes souffrances stériles, et que je projette jusque de l'autre côté de la tombe. Je n'ai donc jamis eu peur que de moi-même. Le reste---toute réalité qui vit hors de moi et qui m'attend---si inconnue, si tragique qu'elle puisse être: je me sens pour elle un coeur de fiancé! À condition qu'il déborde la vie matérielle, le voeu de La Fontaine "pourvu qu'en somme je vive, c'est assez, je suis plus que content" revêt une signification métaphysique essentielle. Il rejoint d'ailleurs le mot de Baudelarie, que préferait "la douleur à la mort et l'enfer au néant"...
Fonte: "Aux ailes de la lettre" - Éditions du Rocher
Fonte: "Aux ailes de la lettre" - Éditions du Rocher