segunda-feira, 8 de julho de 2013

Y a-t-il une Vérité? (I)

Ce texte a été établi d'après um enregistrement dactylographié (Lyon,1956) et le canevas manuscrit d'une conférence portanto le même titre, mais três postérieure à cet enregistrement. Conférences données sous ce titre dans les annés 1950, 1960 et 1970.

Je pense, au moment de m'adresser à vous --- pour vous parler d'um si grand sujet ---, je pense au mystère de la parole: on l'adresse aux autres, ele est comme une graine qu'on jette em eux, qui va s'y transformer, et on ne sait pas ce qui lèvera dans leur coeur. C'est une génération équivoque, comme disent les scolastiques. Cela devrait nous rendre três modeste. Il me souvient d'une fois où, après une conférence --- c'était em Suisse je crois ---, une dame est venue me trouver et m'a dit: "Monsieur, je vous dois tout. C'est une frase que vous avez dite, il y a quatre ans, qui m'a convertie. Maintenant, je suis baptisée, je suis heureuse." "Quelle était donc cette phrase, madame?" lui ai-je demande. Alors, ele m'a cité ma phrase, mais à l'envers! Elle avait compris le contraire de ce que je disais... Eh bien, le Saint Esprit devait soufller à ce moment-là, et il vaut mieux que nos pauvres paroles!

Nous avons donc à répondre à cette question, aussi imparfaitement qu'un homme peut le faire: y a-t-il une Vérité? La Vérité existe-t-elle?

Au-delà des vérités, y a-t-il une Vérité?

Quelle que soit la définition qu'on donne du réel, il y a une affinité entre le réel et l'esprit de l'homme: l'esprit de l'homme a prise sur le réel; nous pouvons penser des choses vrais. Là-dessus, tout le monde est d'accord. Vous connaissez la définition du vrai par Aristote: adequation rei et intellectus ("adéquation entre les choses et l'intellignece"). Il y a donc des vérités, mais nombreuses, partielles, relatives. Et il y a aussi une échelle de ces vérités, elles ne sont pas toutes du même ordre:

--- La vérité matérielle concerne le témoignage des sens et se prolonge dans la vérité scientifique qui redresse, coordonne, approfondit le témoignage des sens, découvre les lois de la nature. Elle ne révèle pas le mystère du monde sensible, et son symbolisme profond lui échappe; mais elle en démonte et elle en exploite les mécanismes. Cette vérité scientifique évolue sans cesse: elle est approximative, mouvante, relative, indéfiniment perfectible, de Ptolémée à Einstein, d'Hippocrate à la médecine moderne... "La science cherche le mouvement perpétuel, dit Hugo, elle l'a trouvé: c'est elle-même!"

--- La vérité psychologique ou affective: les "sentiments vrais" sont des sentiments authentiques. Si je dis authentiques et ne dis pas sincères, c'est que la sincérité n'a rien à faire là-dedans: on peut être sincère tout en se mentant à soi-même. Quant à l'étude des sentiments d'autrui, ici, tout est question d'interprétation: on les interprète selon l'idée qu'on se fait de l'homme. Comme dit Gabriel Marcel: "Tout est vrai en psychologie". Où est la vérité psychologique de Don Juan? Les uns verront en lui un mystique dévoyé, les autres un infantile pervers...

--- La vérité morale: elle inspire le juste dans sa conduite, une conduite conforme à la fois aux lois de l'harmonie intérieure personnelle est aux lois de l'harmonie sociale.
Mais la morale dépend des époques, des lieux, des religions, etc.

--- La vérité esthétique: on parle d'une "oeuvre vraie" par opposition à une oeuvre artificielle. c'est-à-dire fabriquée (avec tout le talent et l'habileté qu'on voudra...) Mais pourquoi Hugo sonne-t-il faux aux oreilles modernes, como Racine sonnait faux aux oreilles de Hugo?

--- La vérité métaphysique: elle porte, au-delà des phénomènes et des apparences, sur les causes premières et dernières. Mais cette vérité est incomplète et fragile: l'homme n'est pas qu'une intelligence...

Et la question demeure: au-delà des vérités multiples, partielle, relatives, provisoires, y a-t-il une Vérité? Une vérité absolue, une vérité en soi dont dépendent les vérités relatives --- une vérité totale dont dépendent les vérités partielles, une vérité éternelle dont dépendent les vérités éphémeres et mouvants? Une vérité dont l'intuition obscure en nous soit le critère qui nous permet d'apprécier les autres vérités, de les situer, de voir leurs limites et leur hiérarchie: ce "point fixe" de Pascal, sans lequel tout les mouvements se contredisent les uns les autres?

Y a-t-il donc au-delà des apparences, du temps, de la mort, un esprit qui embrase dans son unité la totalité de l'Être et des êtres? Une intelligence à la mesure de toute chose? Un dieu? Le problème de la Vérité n'est pas autre chose, en définitive, que le problème de Dieu. C'est un problème théologique, même dans l'ordre naturel. Il s'agit de savoir si la vie a un sens ou bien si, selon le mot de Shakespeare, "la vie est une histoire racontée par un idiot et qui ne signifie rien".

Au fond, cette vérité, tout le monde y croit, y compris ceux qui la nient, chacun érigeant en absolu la vérité partielle qu'il possède:

--- le relativisme proclame comme une vérité absolue que rien n'est absolu;

--- pour le nihiliste, une chose au moins est vraie: c'est que tout est faux!

--- le scientiste, lui, a foi en la science...

--- quant aux marxistes, s'ils nient la vérité en soi, c'est au nom de leur vérité à eux --- au nom du Parti ---, une vérité si transcendante à leurs yeux qu'elle exige et qu'elle justifie touts les sacrifices, y compris celui de la logique et celui de la morale individuelle! Tenez, j'ai lu récemment une de leurs affiches électorales qui commence ainsi: "L'Humanité, c'est la vérité", et qui, pour encourager les électeurs à venir aux réunions, finit par ces mots: "Prenez un rendez-vous quotidien avec la vérité." La vérité! Qu'est-ce que la vérité? C'est la question que Pilate posait au Christ et à laquelle le Christ n'a pas répondu. Eh bien! avec quinze francs par jour et des bonnes volontés impayables, on a la réponse! Avouez que c'est gentil cela, et simple, n'est-ce pas? Mais en retour, les marxistes exigent de leurs adeptes qu'ils suivent sans comprender. "Obéis d'abord, tu comprendras plus tard." Le sacrifice d'Abraham est peu de chose au prix des sacrifices qui sont demandés aujourd'hui 'a certains hommes, au prix surtout du sacrifice de ce qu'il y a de plus intime en eux: leur conscience.

Certes, cette philosophie du devenir enseigne que la vérité n'est pas, qu'elle devient, mais au nom de quoi? D'un principe qui se situe au-dessus du devenir! Tout change, sauf notre conception du changement. Tout est livré à la dialectique de l'Histoire, sauf cette dialectique elle-même, naturelmement: est-ce que le marxisme conçoit sa propre réfutation par l'Histoire? Non, cette lumière que éclaire le déroulement de l'Histoire et qui annonce la fin de l'Histoire ne peut être transcendante à l'Histoire... L'idée messianique de la Cité future, de la société sans classe où l'homme enfin désaliéné s'épanouira dans l'harmonie, cette idée se présente comme une vérité absolue. Et l'Église en qui s'incarne cette vérité revendique l'infaillibilité, autant dans la théorie que dans la praxis quotidienne: le dieu mouvant qui l'inspire est aussi exempt d'erreur que le Dieu immuable des catholiques. Et quand les faits semblent démentir la doctrine, on fait appel à la foi... On a ri des chrétins attendant la parousie, mais n'est-ce pas une parousie, toujours fuyante, que cette société sans classes et ce dépérissement de l'État dont on ne voit pas dessiner les moindres prémices?

Continua...

Fonte: "Les hommes de l'éternel" - Mame, Paris, 2012