Cette piété mariale, cette piété sensible dont je m'étais un peu méfié, je dois vou avouer que je l'ai retrouvée, un jour, je ne sais comment --- les grâces divines viennent comme elles veulent... l'Esprit souffle où il veut --- je l'ai retrouvée, dis-je, non plus dans la sensibilité, no plus dans l'imagination, mais comme une révélation, dans l'Intelligible, au-delà de l'Intelligible, dans le Sacré, au noyau même de l'Esprit, là où l'existence se noue à l'essence, dans ce monde inaltérable auquel nous participons tous un peu.
Ce fait prodigieux: La virginite maternelle
Eh bien! je voudrais vous dire deux mots simplement, deux paroles, que me semblent indiquer la valeur de Signe, la la valeur d'Exemple que représente pour toutes les époques, et en particulier pour notre époque, ce fait prodigieux de la Virginté maternelle. Ce sont des mots que nous prononçons très facilement, et nous ne voyons pas l'abîme qu'ils recouvrent. Deux grandes leçons d'éternité, paticulièrement adaptées à notre temps, faites pour notre temps, avec sa vaine et son impure agitation.
Marie, précisément Vierge et Mère! quelle leçon! quel signe! quel exemple!... Vierge, mais no stérile! Féconde, sans revers d'impureté! Intacte et jaillissante! une fontaine fermée, un vase scellé, comme dit l'Ecriture, d'où jaillit la source immortelle.
Trop souvent, ce qu'on appelle virginité s'accompagne de stérilité. Dans tous les domaines. Les champs de neige sous les étoilles sont magnifiques, mais rien n'y pousse, tandis que là où pousse quelque chose, trop souvent, il y a trop d'impuretés. La forêt sous les Tropiques est grouillant de vie, mais en même temps, grouillante d'impuretés. Il en est de même dans le domaine humain; il y a trop souvent une antithèse entre la pureté et ce qu'on appelle l'efficacité; trop souvent "ceux qui ont les mais pures, n'ont pas de mains!" comme disait Péguy qui le leur reprochait assez. Et ceux qui travaillent ont les mains sales!... c'est infiniment regrettable!
Seulement, tout cela n'est vrai qu'à un certain niveau. Plus on s'éleve, plus on va vers l'altitude, plus le choses qui, en bas étaient opposées, s'unissent, deviennent complémentaires. Quel était le poète qui, parlant de la Sainte Vierge disait: "O, toi, par qui s'unit en haut tout ce qui se sépare en bas!" C'est parfaitement vrai! En haut, la pureté et la fecondité, se rejoignent. La Virginité peut se communiquer, et se communiquer sans se dégrader, sans s'avilir, sans se souiller, un peu comme les rayons du soleil qui se posent, sans se salir, sur toutes les impuretés de la terre.
La Sainte Vierge nous offre l'exemple suprême, l'exemple absolu de cette synthèse. Cette virginité a donné Dieu au monde. C'est bien cela vraie efficacité... Il y a là, je crois, quelque chose d'essentiel. Sophocle disait déjà qu'il y a au fond des choses une adorable pureté. Si nous savons aller jusqu'à cette pureté qui est au fond des choses, si nous savons nous en imprégner, nous pourrons, même ici-bas, être efficaces, être utiles, être féconds sans dégrader notre idéal. Et sans avoir besoin pour agir d'admettre les compromissions, les impuretés, le tapage! Leçon prodigieuse pour l'activisme du siècle.
CE QUE LE SIECLE FAIT DE LA FEMME: UNE IDOLE, QUELQUE CHOSE D'EMPAILLE
Deuxième leçon (il y en aurait cent! mais je suis obligé de me résumer, je vous dis simplement quelques mots). Vous savez que notre siècle est un siècle d'érotisme, c'est le moins qu'on puisse dire!... d'adoration, en quelque sorte servile et stupide de la femme. Notre époque adore la femme, mais elle la dégrade en l'adorant, car il y a une forme d'adoration, qui est très voisine de l'insulte, qui d'ailleurs va très vers l'insulte. Quand l'adoration est déçue, elle détruit les idoles. Entre l'idolâtre et l'iconoclaste, il n'y a qu'un pas à franchir, et il est vite franchi en géneral!
Enfin, notre époque, en adorant la femme la dégrade en en faisant non seulement un objet de plaisir (ce que serait encore le moin mal, ou encore peut-être la chose moins impure, car le plaisir a tout de même d'étroites limites dans le temps et dans l'espace), mais elle en fait une espèce d'idole cérébrale, abstraite, qui imbibe toute l'imagination, qui flotte comme une espèce de vapeur dans l'atmosphère que nous respirons. Elle en fait une image de la femme qui n'a aucun rapport avec la femme, une image abstraite de la femme, une image irréelle. Toutes ces images de femmes, qui traînent partout, dans tous les journaux, sur toutes les affiches, partout, qui imbibent notre époque, avez-vous remarqué à quel point elles sont irréelles, à quel point elles se ressemblent toutes? Même allure, même ligne, même galbe, même sourire plus ou moins figé, tout à fait stéréotypé. C'est vraiment l'idole, quelque chose d'empaillé... et des jouets, n'est-ce pas?... des poupées!... oui, des poupées qu'on adore ou qu'on rejette, un pitoyable mélange de chair et de rêve, et l'amour est terriblement absent de ces jeux!...
Mais tout de même, il faut le reconnaître aussi, cette idolâtrie de la femme, si stupide qu'elle soit, comme toutes les idolâtries elle procède d'un sentiment profond dévié... Elle procède le l'intuition d'une réalité: La femme, porte de l'Absolu. La femme, source de la vie. Le Mythe antique des Mères. Tout cela représente quelque chose: l'idée que la femme nous rend à l'Origine, qu'elle nous rend au Principe, au Créateur, selon le mot de Lamartine, "Car l'homme éclos un jour d'un baiser de ta bouche, à jamais se souvient de sa première couche".
Il est bien certain que l'Homme cherche l'Absolu dans un être évidemment fragile et impur. Le seul bien de l'Eden qu'il ait emporté dans sa chute et dans son exil. Il n'a pas tort, certes, d'une certaine manière, mais il le cherche mal. Comme dans toutes les idolâtries, il cherche trop bas... Il ne remonte pas, jusqu'à la lumière qui nous a créés.
EN MARIE LE SOLEIL NE FAIT POINT D'OMBRE
Marie, elle, qui est en quelque sorte l'Archétype pur de la femme, elle nous attend au confluent de la femme et de la Lumière. Elle est la femme parfaitement transparente, toute baignée de lumière. Selon le mot admirable de Bérulle "En elle, le soleil de Dieu ne fait point d'ombre". C'est très beau une lumière sans ombre. Elle unit, dans ce sein qui a porté Dieu, l'étroite douceur des entrailles maternelles à l'Infini créateur du Verbe!... Il y a là un abîme!
Et ce mot de Médiatrice qui justement exprime parfaitement sa fonction de trait d'union entre notre origine terrestre et notre source divine. La femme en elle devient un pur chemin vers Dieu.
Malheureusement, l'homme, dans cet érotisme qui nous baigne partout demand trop: ce qu'il demande à la femme, c'est l'Eden. Il lui demand l'Eden sans le Ciel. Eh bien! ma foi, ce n'est plus possible. Victor Hugo dit quelque part, en parlant de la beauté féminine "C'est un tel idéal, mêlé d'un tel réel, que l'âme voit l'Eden et le préfère au Ciel!". C'est là, précisément, tout le drame de l'Homme, de préférer l'Eden au Ciel. Seulement --- il vaut autant que je vous le dise tout de suite --- il y a des utopistes (il y en a beaucoup dans notre société!) qui croient que l'Eden est une espèce de Chantier fermé pour cause de reconstruction. Je crois qu'un certain Eden est fermé définitivement. Oui! L'Eden étant fermé, c'est vers le ciel qu'il faut aller. Le Paradis terrestre, Dieu ne le donne pas, parce qu'il nous donne un bien infiniment plus précieux, et ce bien, c'est Lui-même, confié à une femme, pour être transmis à toute l'Humanité.
En d'autres termes, pour tout résumer, Eve est la porte condamnée de l'Eden, Marie est la porte ouverte du Ciel.
Je conclus: Telle est Marie, cette lumière, cette lumière de transfiguration qu'elle projette en quelque sorte sur la femme, et sur l'amour de la femme, est quelque chose de prodigieux; voilà l'exemple, voilà le modèle qu'on n'atteint pas, mais sur lequel nous devons toujours essayer de modeler notre action, notre pensée; le modèle éternel que nous devons essayer de reproduire. La femme doit respecter la Vierge en elle, et l'homme doit respecter la Vierge dans la Femme. Même dans la femme qui est femme, il y a an côte virginal qu'il ne doit jamais abolir; car en haut, dans le domaine du Sacré, la possession n'abolir pas la virginité.
C'EST TELLEMENT BEAU QUE C'EST SUREMENT VRAI
Mesdames et Messieurs, je parlais de cela un jour, à un incroyant, qui, très frappé, m'a dit: "C'est trop beau pour être vrai!" Eh bien, à cela je répondrai par le mot, je ne dis pas d'une "incroyante", car elle était chrétienne sans être catholique, si on peut dire, Simone Weil --- elle enseignait dans l'enseignement laïque, et n'avait pas à prende parti --- quand des élèves lui parlaient des dogmes catholiques et de leur plénitude, et lui demandaient: "Est-ce que c'est vrai?", elle répondait: "C'est tellement beau, que c'est sûrement vrai!". Et pourquoi, en effet, la réalité serait-elle laide? Le Beau est un transcendental comme le Vrai. Je crois qu'en haut le Vrai et le Beau doivent s'unir.
Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je conclus: je voudrais que vous eyez senti un peu à travers mes trop faibles paroles, ce Mystère de Marie Médiatrice, ce lien entre la terre et le Ciel, cette porte du Ciel, cette étoile du matin, qui précède et qui annonce l'aurore.
Font: Extrait de "L'Homme Nouveau", du 6 avril 1958