quarta-feira, 31 de março de 2010

La liberté

Le mot de liberté correspond à l'un des besoins les plus profonds de la nature humaine. Et c'est pour cela peut-être qu'il donne lieu à tant de confusions et à tant d'abus.

Qu'est-ce que la liberté? Ce n'est pas l'indépendance absolue, car nous dépendons tous de quelqu'un ou de quelque chose: de l'air que nous respirons, du métier que nous faisons, des êtres qui nous entourent et de la société humaine tout entière avec laquelle nous échangeons quotidiennement des services.

L'homme se sent libre dans la mesure où il peut aimer les choses et les êtres dont il dépend: par exemple quand il vit dans un milieu qui lui convient, quand il exerce un métier qui répond à sa vocation intérieure, quand il épouse la femme dont il et amoureaux, etc. Inversement, il éprouve une impression de contrainte et de servitude quand il est lié, par les nécessités de l'existence, à des fonctions ou à des personnes qui lui déplaisent. Celui qui n'a pas la vocation militaire se sent esclave à la caserne; de même les liens du mariage deviennent des chaînes pour celui qui n'aime plus son épouse.

Ainsi, quand nous revendiquons notre liberté, ce n'est pas l'indépendance absolue que nous demandons, c'est la faculté de passer d'une dépendance qui nous déplaît à une dépendance qui nous attire.

Les exemples de cet état d'esprit sont innombrables.

L'enfant paresseux qui s'annuie à l'école éprouve un vif sentiment de délivrance quand on lui permet de jouer ou de flâner. Mais il est l'esclave de cet instinct qui le pousse vers le jeu ou vers la flânerie.

La jeune fille "émancipée", qui se révolte contre l'autorité de ses parents ou contre les règles de la morale, ne réclame la liberté que pour obéir plus servilement aux idoles d'une certaine jeunesse: la danse, le cinéma, la mode, le flirt, etc.

Le "blouson noir" qui refuse d'obéir aux lois de la société et qui entre dans une bande de malfaiteurs, se soumet docilement aux "lois du milieu".

De même, l'homme qui veu se libérer de sa femme afin d'épouser sa maîtresse, n'est pas libre à l'égard de cette passion pour laquelle il brise son foyer.

Ces quelques exemples suffisent à nous montrer les servitudes qui nous menacent sous le nom et sous le masque de la liberté.

Etre libre, c'est pouvoir faire ce qu'on désire. Il faut donc veiller sur la qualité et sur l'orientation de nos désirs. La liberté n'est pas autre chose que la faculté de choisir entre eux obéisances: si, en nous fermant aux appels d'en haut, nous refusons d'être les serviteurs du vrai et du bien, nous tombons sous l'empire de nos passions inférieures qui font de nous les esclaves de l'erreur et du mal.

Le mot libre se dit en grec autonomos: qui obéit à sa propre loi. Mais la loi de l'homme, crée à l'image de Dieu, c'est d'obéir à la loi de Dieu, c'est-à-dire d'aimer et de servir. Et c'est dans ce sens que Sénèque disait: Parere Deo libertas est: obéir a Dieu, c'est la liberté.

Fonte: Revista "Itinéraires" (Billets, 4 février 1977)

terça-feira, 23 de março de 2010

La souffrance est un remède

"Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés"

Ces vers de Baudelaire expriment une vérité amère mais essentielle.

Personne n'aime la souffrance. Et moi, qui écris ces lignes, pas plus que ceux qui les liront. On la redoute plus que jamais dans ce siècle qui vit sous le signe du bien-être et de la sécurité. On s'empresse d'avaler un cachet, au moindre commencement de douleur physique et, dans l'ordre moral, on constate un refus généralisé des risques et des responsabilités.

Mais on a beau la fuir, l'heure où elle nous rejoint finit toujours par sonner. Et ce poison apparent contient un remède secret.

"C'est en souffrant qu'on apprend" affirme un tragique grec. Et l'Ecriture sainte nous dit: "Celui qui n'a pas souffert que sait-il?"

Quels sont donc les bien-faits de la souffrance?

La souffrance nous révèle nos limites. Limites physiques s'il s'agit des souffrances du corps, limites morales s'il s'agit des douleurs de l'âme ou de l'échec de nos entreprises. et, par là, elle nous enseigne la modestie. Car la santé; le succès, le bonheur sont des flatteurs: l'homme à qui tout réussit ne voit plus ses faiblesses et ses lacunes; il se croit tout permis et tombe facilement dans cette "démesure"qui, selon les anciens Grecs, est la source de tout les péchés.

La souffrance, en nous privant des plaisirs superficiels qui fascinent si souvent les gens heureux, nous aide aussi à découvrir les valeurs profondes qui sont les sources du vrai bonheur: la méditation, l'amitié (c'est dans l'épreuve qu'on reconnaît ses vrais amis, disaient les Romains), les vertus morales et religieuses.

Elle nous enseigne enfin la compassion à l'égard du prochain. On comprend d'autant mieux la souffrance des autres qu'on a connu soi-même des épreuves identiques. Pour citer un exemple très banal, je me souviens de mon grand-père qui, jusqu'à 60 ans, n'avait jamais eu mal aux dents. Fort de cette immunité, il n'était pas loin de considérer ceux qui souffraient de cette affection comme des malades imaginaires. "Mal aux dents, mal d'amour", disait-il en haussant les épaules. Vint enfin le jour où il eut une bonne crise dentaire---et, à partit de ce moment-là, il cessa de rire des douleurs des autres...

Telles dont les grâces qui nous viennent par la souffrance. Elle nous rappelle à l'ordre voulu par Dieu et que nous violons trop souvent par ignorance et par présomption; elle exerce une action purgative qui nous débarrasse des éléments impurs et superflus de notre existence, et, par là, si nous savons profiter de ses leçons, elle nous conduit vers une paix et un bonheur supérieurs, ignorés de ceux qui n'ont pas souffert.

Ces pourquoi, au lieu de la repousser comme un mal, nous devons, quand Dieu nous l'envoie, l'accueillir et l'utiliser comme un remède. On ne refuse pas un remède; on ne le pren pas non plus pour son plaisir: on s'en sert comme d'un moyen pour revenir à la santé.

Fonte: Revista "Itinéraires" (Billets, 26 novembre 1976)

quinta-feira, 18 de março de 2010

Aforismos

Compreender com o pensamento ou compreender com a alma. Verdades abstratas ou verdades incarnadas. Trata-se de saber se a nossa inteligência é um pano de cenário onde se projetam as idéias ou, pelo contrário, uma porta por onde as idéias penetram até ao fundo do ser. No primeiro caso, são apenas um espetáculo, e o espírito insaciado move-se de um lado para outro; no segundo, são um alimento, e podemos viver da mesma idéia até a morte como nos alimentamos cada dia do mesmo pão.

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Attentio, attentif (Atenção, atento) têm a mesma etimologia que attente (espera). A clarividência do espírito pressupõe coração aberto: aquele que nada espera é incapaz de prestar verdadeira atenção a coisa alguma.

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Ignorância, falsa e verdadeira ciência em face do mistério

A ciência humana é como uma chave. O ignorante não possui essa chave, mas pensa que ela abre tudo. O falso sábio possui-a, e supõe ter aberto tudo. O verdadeiro sábio possui-a plenamente, e sabe que ela não abre nada. O ignorante e o verdadeiro sábio coincidem, mas com esta diferença: o primeiro sente-se diante do impenetrado e o segundo diante do impenetrável.

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Explicação do pensamento

É necessário que um autor nos diga o suficiente para que possamos continuar por nós próprios o seu pensamento sem o trabalho de o adivinhar, mas não para que não tenhamos mais nada a encontrar por nossas próprias forças. É preciso que ele se detenha nessa "meia palavra" sutil, a partir da qual o entendimento de outrem se reveste dos encantos de uma descoberta pessoal. Deve iluminar e não demonstrar, dar-nos um impulso, mas não conduzir-nos até ao fim pela mão. O seu papel é entreabrir uma porta que nós acabaremos por empurrar. Há nisso um equilíbrio muito difícil de atingir, e, segundo que um autor peque por defeito ou por excesso de explicação verbal, assim nos parece hermético ou fastidioso (Mallarmé ou Victor Hugo).

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Não tomas nada a sério? Cuidado! Vais tomar a sério o nada...

Fonte: "O pão de cada dia" - Editorial Aster - Colecção Éfeso

sábado, 13 de março de 2010

Aforismo

"É provável que uma ordem terrestre estável só possa ser instaurada se o homem conservar uma aguda consciência da sua condição itinerante"(Gabriel Marcel). Poderia dizer-se com verdade, se bem que pareça um paradoxo, que este mundo só proporciona uma pátria ao que nele se sente caminhante. Com efeito, o centro e a razão de ser da nossa vida terrestre, o lugar em que ela se enraíza e o lugar em que se expande, estão fora do mundo.

Um lugar de passagem, um campo de experimentação (a nossa vida não passa disso) perdem o seu sentido e o seu valor desde o momento em que desconhecemos a nossa condição. Os seres mais desorientados à face da terra são aqueles que só na terra acreditam (assemelham-se um pouco aos loucos que, ignorando a finalidade das pontes ou das escadas, estabelecem nelas a sua morada): a ruptura de vínculos, de tradições, de raízes, a perda do sentido do lar e da pátria e até dos valores mais humildemente materiais (uma boa cozinha, por exemplo), em resumo, o esvaziamento de tudo o que é estável, profundo ou refinado na vida terrestre e material, é o estigma fatal de todas as civilizações materialistas. Inversamente, a ordem social e a expansão dos valores terrestres acompanham as civilizações com uma forte polarização religiosa (excetuo parcialmente a Renascença onde, aliás, não faltava um potente impulso religioso, se bem que desviado do seu fim.)

Com efeito, se considerarmos nosso fim supremo e pátria de nossas almas os bens e os valores deste mundo, se transferirmos para eles a sede do absoluto e de eterno que há em nós, como cedo ou tarde chegaremos à amarga experiência da sua fragilidade, virar-nos-emos contra eles com toda a força da nossa esperança ludibriada e tê-los-emos em nada como castigo de não serem tudo. Assim se alternam a idolatria e o ceticismo, o culto da terra e o desgosto da terra (o espetáculo do mundo moderno comprova essa lei em todos os domínios). Claro está que este jogo de oscilações não favorece, nem nas almas nem nas sociedades, a instauração de uma ordem estável.

A noção de viático é, pelo contrário, a que melhor se ajusta aos bens deste mundo: ressalva simultâneamente o seu valor e os seus limites. Cá em baixo, tudo para nós é viático, inclusive as nossas moradas e as nossas pátrias. E é unicamente considerando-as como viáticos que podemos conservar uma atitude equilibrada (e estável, porque toda a estabilidade descansa sobre um equilíbrio) em face das coisas terrestres. Evitamos deste modo a idolatria: não se pede o absoluto a um viático, compreende-se de bom grado o seu caráter provisório e insuficiente, porque o que conta, antes de mais, é o fim a atingir. Mas evitamos igualmente o ceticismo e o desespero, pois, ainda que o viático não seja o absoluto é, no entanto, necessário para alcançar o absoluto, e a viagem para Deus não é possível sem ele. E é a transmissão e o enriquecimento deste viático enquanto tal, duma geração para outra, que torna os costumes sãos e estáveis, e as instituições sólidas.

Fonte: "O pão de cada dia" - Editorial Aster - Colecção Éfeso

quarta-feira, 10 de março de 2010

Le mal, preuve du bien

Bien des personnes, accablées et révoltées par les souffrances et les déceptions, arrivent à penser que le monde est foncièrement mauvais et que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. "Je ne peux plus croire en Dieu, me disait récemment un homme chargé d'épreuves. Il y a trop de malheur dans le monde."

Je crois au contraire que le mal fait la preuve du bien: c'est parce que nous sommes destinés au bien que le mal nous fait si mal.

Cette affirmation se vérifie chaque jour, à tous les niveaux et dans les domaines.

Dans l'ordre moral, nous souffrons de l'injustice, de la méchanceté ou de l'indifférence des hommes dans la mesure où nous sommes nés pour vivre dans un climat de justice, de bonté et d'amour.

Dans l'ordre esthétique, la laideur nous choque par contraste avec la beauté, dont nous portons en nous l'image et l'appel.

Ainsi, sur tout les plans, nous ne sentons le mal que par référence au bien dont il nous prive. Le mal est comme une fausse note dans une harmonie ou comme une tache noire sur une belle robe blanhe: si nous n'avions jamais entendu de bonne musique ou si toute la robe était noire, la fausse note ou la tache sombre passeraient inaperçues...

Simone Weil condamne le pessimisme par ces lignes définitives: "Dire que la vie ne vaut rien et donner por preuve le mal est absurde; si cela ne vaut rien, de quoi le mal prive-t-el?"

Le bien est si conforme à notre nature que nous ne nous apercevons même pas de sa présence aussi longtemps qu'elle n'est pas interrompue par le mal. Par exemple, nous ne nous étonnons jamais d'être bien-portants; nous trouvons cela parfaitement normal, tandis que le moindre malaise nous surprend et nous irrite. Cella suffit à prouver que le bien est dans l'ordre et que le mal n'est qu'un accident.

De ce spectacle, nous devons tirer une double leçon.

D'abord, considérer le mal comme un accident et ne jamais perdre de vue le bien dont il est la contre-partie ou la blessure. "Tu te plains de ce que les roses aient des épines, dit un proverbe oriental: réjouis-toi plutôt de ce que les épines aient des roses."

Ensuite, voir dans cet accident un avertissement et un appel vers un plus grand bien. Dans l'ordre physique, la douleur est souvent un signal d'alarme qui nous invite à un changement de régime ou au repos. Il faut que le mal fasse mal: sinon rien ne nous arrêterait sur la pente de l'erreur et du péché et nous péririons sans recours. Si le contact du feu n'était pas douloureux, quel est l'enfant qui ne se laisserait pas brûler vif? Il ne va de même dans l'ordre spirituel et affectif. Si les défauts du prochain nous font souffrir, nous devons voir dans cette souffrance une exhoratation, à ne pas tomber nous-mêmes dans les mêmes fautes. Quant à nos échecs et à nos revers personnels, ils nous permettent de mesurer notre faiblesse et nos limites et nous enseignent l'humilité.

"Par la souffrance, la connaissance", disaient les Grecs. Je ne connais pas d'être plus vulgaire, plus sottement présomptueux et plus ignorant des réalités profondes de l'existence que l'homme qui n'a jamais souffert dans sa chair ni dans son âme et à qui tout a toujours réussi.

La conclusion et facile à tirer. Le mal, dans toutes ses formes, est un désordre. Et c'est en même temps un rappel à l'ordre. Quand il nous accable, au lieu de céder au découragement, nous devons profiter de ses leçons pour le mettre au service du bien.

Fonte: Revista "Itinéraires" (Billets, 15 octobre 1976)

sexta-feira, 5 de março de 2010

Una vela en la oscuridad

Es la hora del descontento en todas sus formas, desde la lamentación resignada hasta la sublevación manifiesta. Viejos y jóvenes se concilian para denigrar el presente: unos añoram el pasado y otros ponen toda su esperanza en los cambios que aportará el porvenir. En todos los grados de la escala social, las gentes se lamentan de su suerte y se agotan en críticas. En suma, nadie está contento de nada, salvo de si mismo, pues, ¿quiém acepta su parte de responsabilidad en los males que deplora?

Ao salir de una reunión impregnada por completo de este ambiente taciturno, el azar de una lectura me hizo reparar en este pensamiento de Confucio: "Mas vale encender una luz, por pequeña que sea, que maldecir la oscuridad".

A falta de vela

Un amigo a quien comenté esta sentencia me respondió. "De acuerdo, pero Confucio vivió en una sociedad descentralizada, de tipo agrícola y artesanal, donde el individuo podía hacer algo para remediar las desgracias de la época. Cuando anochecía, se encendía una vela; si hacía frío, se podia recoger leña en el bosque cercano y había una chimenea en cada casa para encender el fuego. Pero, ¿qué se puede hacer hoy día en una gran ciudad cuando un apagón elétrico nos priva simultáneamente de luz y de calor?"

Igualmente, ¿qué recursos tiene la iniciativa indivicual contra males como la inflación, el desempleo, una huelga de correos o de ferrocarriles? El mal ha adquirido hoy un carácter colectivo que exige igualmente remedios colectivos, es decir, medidas de conjunto que corresponden en gran parte a los remedios colectivos, es decir, medidas de conjunto que corresponden en gran parte a los poderes públicos. De ahí la politizacíon general de los problemas sociales. "¿Qué espera el gobierno para...?" dice espontáneamente el hombre de la calle. En una palabra, estamos en una situación en la que la gente, a falta de vela, no tiene más recurso que maldecir la noche hasta que se arregle el alumbrado público.

Reconozco --- y éste es el reveso angustioso de nuestra civilización técnica, a la vez liberadora por la potencia de los medios que pone a nuestra disposición, y alienante por el exceso de centralización --- que el hombre moderno tiene cada vez menos dominio sobre los elementos externos de su destino. Lo que favorece por una parte la pasividad, pues se espera que las soluciones vengan de fuera, y de otra el afán reivindicativo, el deseo de recibir siempre más. El individuo puede, sin embargo, encender una vela en esta noche, al menos estableciendo el contacto humano, tan reducido hoy por la concentración y el anonimato tecnocrático. Nos lamentamos que la tecnocracia impone a los hombres relaciones casi únicamente funcionales. Pero de cada uno de nosotros depende remontar este obstáculo. Ofrezco como prueba dos ejemplos opuestos.

Intercambio luminoso

Me encontraba hace algunos meses en una oficina de correos. Una anciana que desea enviar un giro dice tímidamente a la empleada: "He olvidado mis gafas, ¿sería tan amable de llenar mi solicitud?" La empleada, con una mirada en la que se unen la frialdad personal y la indiferencia administrativa, responde irritada: ¿Cree que tengo tiempo para hacer su trabajo? Mire el impreso y verá que dice: rellenar por el usuario." Aún estoy viendo a la pobre anciana retirarse (después pude ayudarla), andando más despacio y con el ánimo helado por esta acogida glacial.

Otra oficina de correos de la misma ciudad. Detrás de una de las ventanillas más frecuentadas, una joven tranquila, amable, recibe a cada uno con una sonrisa espontánea y acogedora, desconocida incluso entre los comerciantes más celosos, porque tal sonrisa se dirige no al cliente, sino al ser humano. Tras hacer las gestiones postales a las que tenía derecho pagando las tarifas usuales, he llevado conmigo esa sonrisa inesperada que no era algo debido, sino un favor, una gracia. Y, además, me he sentido dispuesto a sonreír a los interlocutores más o menos pesados que debía ver durante la jornada, pues el buen humor, la atencíon, la afabilidad, provocan reacciones en cadena del mismo modo que la indiferencia o la animosidad.

Este elemento de gracia y gratitud (las dos palavras tienen la misma etimología) confiere a las relaciones más superficiales una cualidade única e irremplazable. Gracias a él, el encuentro anónimo de dos peones en el tablero social puede convertirse en un intercambio luminoso y vivo entre dos presencias. Este destello de simpatía, que está al alcance de todos en cualquier momento, al disipar la oscuridad, nos evita maldecir.

Fonte: www.istmoenlinea.com.mx/articulos/22707.html
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terça-feira, 2 de março de 2010

Le dirigisme des loisirs

J'écris ce billet d'Amérique où je suis depuis quelques jours.

J'ai rencontré hier un éminent personnage qui m'a confié qu'un des problèmes majeurs de notre époque était celui de l'organisation des loisirs. Les horaires de travail, m'a-t-il dir, sont de moins en moins étendus et, grâce aux progrès des techniques, ils diminueront encore dans l'avenir. Mais la question qui se pose est celle de l'emploi de ces loisirs. Les hommes ne savent que faire de ces heures libres: ils s'ennuient ou bien ils essayent de tuer le temps par des distractions superficielles, stériles et souvent malsaines, comme les jeux de hasard, la boisson, l'érotisme, des lectures ou des spectacles abrutissants, etc.

Cet état de choses inquiète les autorités du pays. Il faut, pensent-elles, organiser les loisirs comme on organise le travail. Et l'on m'a soumis tout un programme de loisirs dirigés et codifiés: horaires sportifs, spectacles gratuits, voyages collectifs et accompagnés, etc.

J'ai répondu en rappelant la définition du mot loisir dans l'excellent dictionnaire de Littré: état dans lequel il est permis de faire ce qu'on veut, du latin licere, avoir la permission de.---C'est dans ce sens que le loisir se distingue du travail: l'activité du travailleur est soumise à un horaire fixe et s'exerce toujours dans la même direction tandis que, dans le loisir, l'homme est libre de choisir l'activité qui lui convient.

Il en résulte que le loisir organisé, orienté, minuté ne mérite plus le nom de loisir. Nous souffrons déjà du dirigisme de la production et voici que nous marchons à grands pas vers le dirigisme de la fantaisie et de l'évasion. Quelle place va-t-il donc rester à la liberté dans notre existence?

Le spectacle de ces foules "conditionnées", qui se ruent vers les mêmes lieux de repos ou de plaisir, qui adorent les mêmes idoles du cinéma et du sport, qui se laissent guider par la mode dans tous leurs divertissements, montre que cette évolution a largement commencé. Il ne manque que l'intervention massive de l'Etat dans la "programmation" des loisirs pour couronner le tableau. On dit beaucoup de mal du travail à la chaîne. Mais que faut-il penser du loisir à la chaîne?

La vraie solution n'est pas dans le dirigisme des loisirs, mais dans l'éducation de la liberté. L'augmentation de la durée des loisirs est à la fois une promesse et une menace. Une promesse de libération et une menace d'esclavage. Si nous ne savons pas utiliser nos loisirs pour le plus grand bien de notre corps (détente physique, sport sainement pratiqué, reprise de contact avec la nature, etc...) et de notre esprit (lectures, spectacles, voyages enrichissants), la civilisation des loisirs risque de devenir une civilisation de l'ennui, du désoeuvrement et de tous les faux-fuyants qu'emploient les hommes pour échapper à l'ennui, c'est-à-dire pour tuer ce temps qu'ils sont incapables de remplir.

Il faut done apprendre à choisir, parmi les mille possibilités qui nous sont offertes, celles qui répondent le mieux aux vraies exigences de notre nature. Celui qui n'est pas capable d'inventer son propre bonheur, n'est pas digne d'avoir des loisirs. Le temps libre est um appel à la liberté créatrice.

Fonte: Revista "Itinéraires" (Billets, 8 juillet 1977)

segunda-feira, 1 de março de 2010

Le bon sens

A la fin de a vie, Gabriel Marcel proclamait la nécessité de réabiliter le bon sens,---faculté de discerner spontanément le vrai du faux et, après Descartes, "la chose du monde la mieux partagée", du moins aussi longtemps que l'esprit des hommes résiste à l'intoxication des modes et des propagandes,---et dénonçait la carence de cette faculté essentielle chez la plupart des philosophes contemporains dont les idées s'articulent d'autant mieux dans l'abstrait (la vogue actuelle du mot idéologie est très significative) que leur contact avec le réel s'amenuise davantage.

D'où l'isolement des philosophes dans la Cité. D'abord par suite de l'irréalisme dont je viens de parler, ensuite à cause de leur langage ésotérique où l'obscurité tient lieu de profondeur et le massacre du vocabulaire d'originalité. Comme si la supériorité de l'intelligence se mesurait à l'initelligibilité du discours.

"Ma bouche est la bouche du peuple", disait le Zarathustra de Nietzsche en prenant congé des "savants". De fait, les pontifes de notre âge démocratique témoignent d'un étrange mépris du peuple. Ou bien ils lui parlent dans un jargon de spécialistes auquel il n'entend rien; ou bien, s'ils daignent se mettre à sa portée, c'est pour l'abreuver de slogans outrageusement simplistes qui désamorcent la réflexion en mobilisant les réflexes et par lesquels on le manipule sans l'éclairer. Bref, on ne lui laisse le choix qu'entre l'inassimilable et le prédigéré...

Tout gravite autour de quelques vérités premières qu'on qualifie dédaigneusement de "lieux communs". Le mot commun est ambigu: il signifie banalité, platitude, et il évoque aussi l'idée de communication, de communion. Le foyer, la fontaine, l'Eglise, la patrie sont des lieux communs. L'agora d'Athènes où enseignait Socrate était un lieu commun. De même les trèsors de la sagesse populaire dont la mesure où nous en connaissons trop bien la formulation. "Il faut repenser les lieux communs, disait Unamuno, pour les délivrer de leur maléfice." Il faut, par la réflexion, retrouver la fraîcheur, la fécondité originelles de ces pauvres mots déflorés, stérilisés par le piétinement moutonnier de l'habitude. Le premier devoir du philosophe est de dépoussiérer les vérités premières...

J'aime les messages délivrés en clair et je me méfie instinctivement de tout ce qui a besoin d'être décrypté. Sur ce point les hommes de pensée agissent à l'inverse des hommes de finance: chez ceux-ci, plus un coffre-fort comporte de serrures et combinaisons, plus il cache de trésors à l'intérieur; chez ceux-là, c'est trop souvent le vide qui se dissimule sous l'épaisseur des portes et la complication des serrures. A la limite, le ciel et Dieu n'ont pas de portes: le "Dieu caché", c'est le Dieu que nous nous cachons à nous-mêmes: le seul voile entre nous et lui est dans l'impureté de notre regard.

"Bienheureux les coeurs purs car ils verront Dieu..."

Font: Revista "Itinéraires" (Billets, 3 décembre 1976)