sexta-feira, 3 de fevereiro de 2012

Réflexion

L´erreur individuelle, consciente, morale, est infiniment moins dangereuse que l´erreur généralisée, fondue, diluée, inconsciente, passée incognito dans les institutions, les coutumes, le climat. La plupart des aberrations morales conservent quelque chose d´accidentel, de curable, de révocable, tant qu´elles n´ont pas gâte le milieu humain. Mais quand l´âme de la Cité même est malade, l´individu est menacé, non plus seulement dans les parties supérieures de son être, mais dans son existence immédiate, dans son socle vital. Le "péché" devient proprement catasthophique quand il cesse d´être péché: quand il ne procède plus d´un choix individuel et délibéré, mais d´une conscience collective corrompue. Alors, il ne se borne plus à dégrader l´homme, il le détruit.


Ce mal socialisé, qui échappe (de toute l´etendue de ses infiltrations dans la vie et la nécessité) à la juridiction de l´esprit et de la morale, comment ne voit-on pas qu´il est absurde de vouloir le traiter uniquement sur le plan spirituel et moral? On méconnaît trop l´importance directe, pressante, tragique de certaines circonstances matérielles dont l´absence entraîne fatalement la ruine des plus hautes possibilités humaines. On se comporte commes des Amants de Venise qui attendraient de leurs seules conversations sidérales la conception d´une postérité! Pour l´homme du XXe siècle, saturé de superfluités, de vanités et "d´idéals", les problèmes d´ornementation de l´existence suffisent à effacer le problème de l´existence.

(C. IV.20.6.35)


Fonte: "Parodies et mirages ou La décadence d´un monde chrétien" - Editions du Rocher